En même temps France 2022 – 106min.

Critique du film

Une comédie politique désynchronisée

Critique du film: Fanny Agostino

Alors que la campagne présidentielle française livre ses derniers rebondissements, le tandem Gustave Kervern et Benoît Delépine moquent les représentants de la République. L’idée est originale : un maire écologiste se retrouve coincé avec un élu de droite. Un postulat savoureux mais un film à sketches trop répétitif qui lasse le spectateur.

On imagine tout à fait comment ce scénario loufoque a pu prendre forme. C’est que Gustave Kervern et Benoît Delépine ne sont pas des farceurs néophytes. Pendant plusieurs années, les deux compères ont collaboré dans l’émission satirique Groland, diffusée sur Canal +. Un duo qui s’est aussi maintes fois essayé au 7e art, notons les récents I Feel Good (2018) et Effacer l’historique (2020), où le propos abordait déjà des sujets sociétaux et citoyens. Dans En même temps, on retrouve cette touche d’humour corrosive même si elle apparaît trop facile et surtout sans nuance. Les répliques poussent les acteurs à caricaturer leurs rôles à l’extrême. Un humour facile et gras qui réjouira peut-être les fans de la première heure, mais qui peut devenir rapidement lassant. En témoigne cette séquence à huis clos où Kader, le chauffeur du maire de droite doit rester impassible pendant que son employeur lui assène des propos nostalgiques sur le droit de cuissage. Il surenchérit ensuite sur le « grand remplacement »… féministe avant d’enfoncer le clou sur l’immigration. On est alors en droit de se demander pourquoi la caricature doit être exacerbée à ce point sans la moindre place pour la finesse.

Ce sentiment se poursuit dans le reste du film. Même les personnages annexes comme l’ex-copine aromathérapeute ou les gendarmes n’échappent pas au grossissement de traits. La Palme d’or est décernée à la caricature des militantes féministes, figurées comme des «grognasses» qui préfèrent agir sans réfléchir aux conséquences de leurs actes. Et ce n’est pas l’air de « J’aime les filles » entendu avant le générique de fin qui changera la donne.

L’enfer est pavé de bonnes intentions et tout n’est pas à jeter. La distribution est excellente. L’alchimie entre Vincent Macaigne en looser magnifique et Jonathan Cohen — dont la ressemblance avec un certain Nicolas Sarkozy est flagrante — fonctionne à merveille. Les jeux de mise en scène, notamment sur le positionnement incongru de la caméra, sont des partis pris intéressants. Aussi, la simplicité du scénario provoque des situations piquantes, comme lorsque le maire de droite est confronté à la violation de son intimité par les caméras de surveillance dont il a lui-même demandé l’installation. L’écologiste en prend aussi pour son grade puisque après avoir dénoncé son collègue qui stationnait sur des places handicapées, on découvre qu’il parque son véhicule électrique sur des places de livraison. On notera aussi des clins d’œil bien trouvés comme le bar à escortes baptisé le « FMI » et la courte apparition de François Damiens en fan de Donald Trump.

Même en flirtant avec l’happy ending, l’issue du film nous sort de notre léthargie. Le monstre politique quadrupède est libéré, mais les deux hommes doivent faire face à leur vie privée catastrophique. Cette chute remplit pleinement les attentes auxquelles on avait renoncé en cours de route. Malgré cette remontée in extremis, En même temps souffre d’un décalage. À force de tout dire, les réalisateurs surchargent leur propos qui perd de vue son objectif : insuffler de la légèreté sur la vie politique.

11.04.2022

2.5

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Commentaires

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Eric2017

il y a 2 ans

Le film démarre plutôt bien... Malheureusement au fil des minutes celui-ci s'épuise et j'ai eu le sentiment avec ces messages écologique et féministe trop présent, que le film perdait de sa saveur. Si le dialogue des politiciens est assez éloquent, tournant leurs vestes au gré des situations, il n'en reste pas moins qu'aux fils des minutes tout s'étiole. Dommage.
(G-23.04.22)Voir plus


CineFiliK

il y a 2 ans

“Union libre”

Didier Béquet, maire divers extrême centre, souhaite convaincre son opposant écologiste Pascal Molitor des bienfaits pour la région d’un futur parc de loisirs prévu en lieu et place d’une forêt millénaire. Emportés par l’alcool, les frères ennemis s’introduisent au FMI, fumeux bar à hôtesses. L’une d’elles, « Colle-girl » infiltrée, les piège et les englue l’un à l’autre.

L’humour des Grolandais Kervern et Delépine n’a que peu de limites. En pleine élection présidentielle tricolore, les joyeux compères opportunistes se lancent dans la campagne. A leur droite, l’enflammé Jonathan Cohen, marche en même temps sur les platebandes sarkozystes et zemmouriennes : « Le Ramadan, c’est comme la Fashion Week, on a l’impression que ça ne s’arrête jamais ». A gauche, le panda infertile aux beaux yeux tristes, Vincent Macaigne, cogne de sa pipe électronique les climatosceptiques carnivores, tout en confessant avoir cédé à la tentation des machines Nespresso. Quoi d’autre ? Entre eux deux, un trio dégourdi de Femen occitanes lutte contre le patriarcat et l’homophobie, tout en s’égarant dans leurs discours inclusifs.

Hilarant sur le papier, le film peine à trouver à l’écran un équilibre entre farce à message ciblé et potacherie au-dessous de la ceinture. La ligne claire cherchant à recoller les morceaux entre partis adverses enchaîne les saynètes plus ou moins drôles sans que le récit n’avance réellement : le tandem choqué s’en va chez le véto, la sophrologue, le cowboy trumpiste ou les flics amers. En parallèle, les militantes féministes tentent de se faire entendre, armées d’un pistolet à silicone et de leurs slogans lapidaires, sans gagner en profondeur. L’arrière-plan s’avère parfois plus subtil quand grimpe en flèche le prix de l’essence, se désespère devant le commissariat une victime d’agression ou cessent de chanter les oiseaux migrateurs.

Au final, on attendait de ce quadrupède hybride un programme plus ambitieux, capable de convaincre les foules citoyennes sur le point de choisir un nouveau guide. Il offre une parenthèse amusante, tendre parfois, mais anecdotique, qui ne restera pas dans les… annales.

(6/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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