Effacer l'historique France 2020 – 110min.

Critique du film

Delépine et Kervern de retour pour une comédie pas si légère que ça…

Emma Raposo
Critique du film: Emma Raposo

Le duo Delépine-Kervern remet le couvert et offre ce qu’il sait faire de mieux: une comédie à l’apparence potache qui cache bien son jeu. Après I Feel Good sorti en 2018, les deux réalisateurs s’attaquent cette fois au monde digital, ses affres et contradictions, à travers le prisme d’une bande de copains losers mais attachants.

Pas vraiment folichon ce quartier pavillonnaire où vivent trois potes un peu paumés. Christine (Corinne Masiero) est chauffeur VTC et ne comprend pas pourquoi elle n’obtient pas de meilleures notes malgré tous ses efforts. Bertrand (Denis Podalydès) doit composer avec les vidéos de harcèlement circulant sur son ado de fille. Dans une situation financière tendue depuis le départ de son mari et de son fils, Marie (Blanche Gardin), quant à elle, subit le chantage d’un jeune parvenu la menaçant de balancer sur le net la sextape de leur nuit d’ivresse, nuit dont Marie n’a aucun souvenir. Tous trois décident alors de partir en croisade contre les grands pontes du numérique afin de faire valoir leur droit et rétablir la justice.

À première vue, Effacer l’historique semble avoir les traits d’une énième comédie bon enfant. C’était oublier l’écriture des inséparables Benoît Delépine et Gustave Kervern. Ces derniers n’en sont pas à leur coup d’essai. Après une dizaine de films écrits et réalisés à quatre mains, le tandem s’attaque cette fois aux GAFA, ces géants du web, véritables cannibales aux profits et bases de données monstrueux. Pour ce faire, les réalisateurs plantent leur décor dans un quartier de la classe moyenne et braquent leur caméra sur trois protagonistes largués par internet, un univers qui les dépasse. Mais avec leur détermination, leur sens de l’amitié et du dévouement, les copains ne s’avouent pas vaincus et vont jusqu’à traverser l’Atlantique pour tenter de récupérer les fameuses données compromettantes.

Sous ses airs frivoles, Effacer l’historique est un condensé de l’absurdité de notre société. Présenté à la Berlinale en février dernier, le film met brillamment en évidence les contradictions béantes de notre système. À travers une foule de petits détails distillés ici et là, Delépine et Kervern se jouent de tout, mais surtout des aberrations dont chacun de nous se fait l’auteur au quotidien. De la photo du chasseur posant fièrement le pied sur sa proie, qui n’est autre qu’un… panda, à une femme parcourant 30 kilomètres en voiture pour acheter une barquette de jambon 30 centimes moins cher, les drôleries se succèdent et font rire jaune dans cette comédie dense aux multiples thématiques écrite avec un sens de la dérision implacable.

Le trio d’acteurs ne fait qu’accentuer encore l’absurde et le délire du récit. Corinne Masiero, Denis Podalydès et Blanche Gardin nous gratifient de gros moments de rigolades. De parfaits abrutis à naïfs exaspérants, les personnages en deviennent touchants. Et pour mener la barque, Blanche Gardin démontre, si ce n’était pas déjà fait avant, un capital comique incontestable. Ajoutez à cela des apparitions furtives, mais non moins bidonnantes d’un Benoît Poelvoorde en livreur à vélo ou d’un Michel Houellebecq suicidaire et vous obtiendrez la comédie de l’été à ne pas rater.

25.08.2020

4

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Commentaires

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TOSCANE

il y a 3 ans

Quelques bonnes pistes qui commencent bien, mais retombent vite ...
Il n'y a pas de "liaisons" entre les gags. On saute du coq à l'âne et cela fait un film un peu fourre-tout. Dommage.


Joseph

il y a 3 ans

Très bonne idée de depart, make très mal exploitée... Mal écrit, mal joué
Dommage


CineFiliK

il y a 3 ans

“Fracture numérique”

Marie, Christine et Bertrand se considèrent victimes d’Internet et de ses dérives. Pliés, mais pas rompus, les trois mousquetaires partent en lutte contre les géants de l’électronique. Un combat bien illusoire.

Ils habitent le même lotissement de province, mais se sont connus sur un rond-point, un gilet jaune sur le dos. Petites gens, fragilisés par une société brutale et leurs déboires personnels – surendettement, chômage, dépendance aux séries télé, tendances alcooliques et solitude extrême –, ils se rapprochent dangereusement de l’effondrement. Cependant, face aux murs dressés par le virtuel, c’est dans l’amitié solidaire, l’amour et le rien qu’ils s’élèveront afin de retrouver une vérité.

Les deux compères grolandais ont le chic pour dénoncer sans en avoir l’air l’absurdité du monde dans lequel on vit ou survit. Une consommation prédatrice et des technologies nouvelles qui ont remplacé l’humain, prenant à la gorge ceux qui ne sauront s’en passer, tout en laissant des bureaux désespérément vides. Politisé, leur humour grince, mêlant le tendre au pathétique. Si la comédie a du mal à démarrer, malgré son trio antihéroïque, elle séduit par ses élans poétiques : un coquillage et deux pots de yaourt pour remplacer le téléphone dit intelligent. Elle s’envole aussi grâce à ses caméos d’exception. Furtifs, Jean Dujardin chasse le panda, Michel Houellebecq se suicide, Bouli Lanner devient Dieu, Vincent Lacoste, un maître chanteur breton, et Benoît Poelvoorde mêle ses larmes au café. De quoi se réjouir, malgré la misère ambiante décrite.

7/10Voir plus

Dernière modification il y a 3 ans


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