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Big Little Women Egypte, Suisse 2022 – 86min.

Critique du film

Big Little Women

Critique du film: Marine Guillain

Dans son premier long métrage documentaire, Nadia Farès se sert de son histoire familiale pour décrypter le combat pour l'égalité, sur trois générations à la conquête de leurs droits.

Riche passé familial que celui de la réalisatrice Nadia Farès! Ses grands-parents viennent d'un petit village du sud de l'Égypte, où «un monde d'hommes construit les destins des femmes». Son grand-père monte au Caire pour travailler (il y devient un boulanger réputé), sa femme le suit naturellement et passe la majeure partie de sa vie enceinte (elle accouche de trois filles et de neuf garçons). Venu en Suisse pour étudier la médecine, le père de Nadia rencontre sa future femme et s'installe avec elle, jusqu'à ce qu'il soit expulsé du pays: un coup orchestré par le grand-père maternel de Nadia, qui voyait d'un très mauvais œil le mariage de sa fille avec un «Africain».

Présenté dans la section Panorama suisse au Festival de Locarno (le film avait fait sa première suisse aux Journées de Soleure), «Big Little Women» prend la forme d'une lettre que Nadia adresse à son père (décédé en 2014), à la fois patriarche et victime du patriarcat. Aux mots de la cinéaste, s'ajoutent les témoignages de celles et ceux qui deviennent les protagonistes de l'Histoire: ces Égyptiens, qui expliquent à la caméra que «les femmes ne peuvent rien faire sans un homme et que leur indépendance n'existe pas». En miroir, un groupe d'adolescentes du même village assurent que la société bouge, elles qui placent leurs études en priorité et ne s'intéressent pas au mariage.

Il y a aussi ces trois jeunes militantes cairotes, qui sillonnent les rues à bicyclette - un acte transgressif en soi, puisque «le vélo, ce n'est pas pour les femmes». Elles distribuent des repas à une population plus pauvre et vont à la rencontre de celles qui reproduisent et perpétuent la violence du patriarcat, pour questionner et tenter de comprendre le schéma. Le doc est encore agrémenté par les paroles de Nawal El Saadawi, figure égyptienne de l’émancipation des femmes dans le monde arabe. L’écrivaine et psychiatre qui subit excision, exil et emprisonnement fit de l'écriture sa voix et son arme de combat jusqu’à sa mort, en mars 2021.

À travers son histoire familiale et personnelle, Nadia Farès met ainsi en lumière 75 ans de lutte féministe, toujours en lien avec l’actualité politique - qu’il s’agisse du droit de vote pour les femmes apparu en 1956 en Égypte, bien avant la Suisse en 1971, ou des manifestations lors de la Révolution égyptienne de 2011. Un peu répétitif et souvent mis en scène pour servir son propos, «Big Little Women» laisse un mélange de sentiments d'espoir et d'impuissance, montrant à quel point l'égalité semble encore à des années lumières de nous. Le documentaire s'achève avec sa plus belle scène: une danse lumineuse à la féminité pleinement assumée.

(Locarno 2023)

05.10.2023

3

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