Zombi Child France 2019 – 103min.

Critique du film

Un rituel délicieusement léthifère

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Un film jouant sur deux univers radicalement différents, Zombi Child de Bertrand Bonello parle de la zombification, du vaudou pour évoquer en parallèle une jeunesse désabusée. La vie est indissociable de la mort.

Haïti en 1962, Clairvius (Mackenson Bijou) s’éteint subitement. Il est ramené à la vie et est forcé à travailler dans une exploitation de canne à sucre. 55 ans plus tard, retour à notre époque, à Paris. Nous y retrouvons Mélissa (Wislanda Louimat) qui fréquente un pensionnat où l’élite se retrouve pour étudier. L’adolescente haïtienne parle de son héritage familial pour le moins étrange à ses amies. L’une d’elles, détruite après un chagrin d’amour, décide d’utiliser cette destinée familiale pour retrouver les joies de vivre.

L’esclavage, l’élitisme et le côté propret d’un établissement fondé par Napoléon. Contraste saisissant avec la condition de l’esclavagisme en 1962. Haïti et Paris, avec comme point commun Mélissa, jeune lycéenne digne héritière d’une lignée familiale au destin tragique : ses deux parents sont morts, son grand-père a été ramené d’entre les morts. Tableau funèbre. Il ne lui reste plus que sa tante pour veiller sur elle. Une histoire pas comme les autres, imprégnée de vaudou, hantée par la mort et la zombification. Sorcellerie ou rituel hallucinatoire, ce procédé fait écho à l’esclavagisme, écho à la mort et la vie; l’entre deux. Et Bonello, fascinant dans sa précision du cadre, nous conte un récit presque hors du temps. Jeunesse désabusée, en mal d’amour. Maîtrise dans la narration, développement mystérieux, entre deux époques, pour se terminer sur un final en apothéose. Zombi Child c’est des jeunes, des esprits errants, presque gémissants, tels des zombies.

Zombi Child a cette force hypnotique. Parfois hoquetante ou brouillonne dans sa première partie, l’histoire se bonifie plus elle s’enfonce dans un pays hanté par la magie noire. Entre la vie et la mort, les frontières n’existent plus. Son esthétique froide renvoie vers les sombres facettes du vaudou, vers les abysses. Un récit traité avec lenteur. Bonello reprend une forme de cinéma spectral qu’il affectionne, comme son Saint Laurent l’était. Insaisissable, des contours dessinés pour en déballer une collision de deux sortes de zombis. Le surréel rencontre la réalité.

En bref !

Un film au souffle morbide, à la fureur blême. Envoûtant comme une incantation vaudou, qui vous attrape les deux mains, vous guide vers des chemins lugubres. Si parfois les pistes sont embrumées, Bertrand Bonello nous éclaire grâce au clair de lune incertain, pour effleurer la vie et la mort. Le trépas se transforme en rite de passage. Une oeuvre délicieusement spectrale !

24.06.2019

4.5

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

Autres critiques de films

Red One

Venom: The Last Dance

Anora

Lee Miller