Dark Waters Etats-Unis 2019 – 126min.

Critique du film

Les vagues de la justice

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Un petit avocat contre une immense industrie comme DuPont. Un David contre Goliath sous la houlette du maestro Todd Haynes. Porté par un excellent Mark Ruffalo, Dark Waters est ce film juridique frôlant la perfection.

Quand on dénature la campagne où nous avons grandi, il y a toujours ce pincement au cœur, cette petite pointe de douleur. Et quand le cœur parle, tout principe se voit balayer d’un revers. Robert Bilott (Mark Ruffalo) est un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques. Un jour il se fait interpeller par un paysan, un voisin de sa grand-mère: Wilbur Tennant (Bill Camp) lui fait part des agissements de la société chimique DuPont, coupable d’empoisonner une région entière de Virginie. Dorénavant de l’autre côté de la barre, Bilott va risquer sa carrière pour faire éclater la vérité.

Todd Haynes a cette faculté à capturer un moment, un instant de cinéma. Cinéaste virtuose, véritable artiste, directeur d’acteur de grand standing, Haynes a brillé de mille feux avec la série «Mildred Pierce», Velvet Godmine, Le Musée des merveilles et surtout avec Carol, véritable chef-d'œuvre. Avec Dark Waters, sa précision fait merveille quand la tension prend l’ascenseur, quand la caméra s’arrête sur l’allure courbée de Mark Ruffalo, absolument parfait dans le rôle de Bilott. Un sentiment d’effroi écrasant, aussi lourd que la fortune que DuPont a amassé sur le dos de concitoyens empoisonnés.

Une palette de couleurs grises, délavées, sombres comme les manigances de DuPont. Une population rendue malade, le cancer en pôle position, les malformations congénitales également; le spectre de DuPont s’invite partout dans le quotidien des Américains. De la cuisine à l’eau, la mort prend l’apparence d’une matière: le téflon, produit industriel hautement cancérigène. Une ambiance toxique habille le film, entraînant frustration et persévérance dans son sillage. Dark Waters respire la chronique juridique à la dramaturgie désarçonnante. Voir comment DuPont peut briser des vies sans être inquiété, laisse transparaître ce fossé entre le bas-peuple et les grandes entreprises. Un mouvement criminel sous couvert de la discrétion, noyant le poisson en offrant des emplois à la pelle.

Le pouvoir, l’argent contre la santé. Bilott nageant dans les eaux troubles, se bat avec véhémence et courage. C’est là que la précision de Todd Haynes fait mouche, en laissant monter graduellement la tension, la méfiance d’un groupe de plus en plus acculé par la ténacité d’un avocat. Ruffalo transforme l’essai, fait souffler ce sentiment d’injustice plus les dossiers et les appels s’accumulent. Dark Waters est de cette veine d’un cinéma à la force imparable.

En bref!

Todd Haynes émerveille encore par sa verve. Mark Ruffalo symbolise la justice, le grand défenseur de la plèbe face à l’emprise des grands décideurs: les grandes sociétés et leur fric. Sous ses aspects de chronique juridique simpliste, Dark Waters est sauvage et furieux.

05.03.2020

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“Toxic affair”

Robert Bilott est un avocat d’affaires qui a pour habitude de défendre les grandes entreprises. Mais quand un paysan lui signale haut et fort que la société DuPont empoisonne depuis des années la région de son enfance, il l’écoute et décide de lutter pour les plus faibles.

De nuit, trois jeunes gens enivrés escaladent un grillage et plongent dans un lac interdit. La caméra sous-marine les surprend et les menace tel un monstre surgi de l’océan hollywoodien. Mais le mal est ailleurs et beaucoup plus sournois que n’importe quel squale.

Plus habitué aux couleurs du mélodrame, Todd Haynes soutient Mark Ruffalo, acteur et producteur, dans son combat basé sur une histoire vraie. Choisissant une tonalité grisée, son « watergate » joue avec les codes de l’horreur et du thriller. Ce long procès de David contre Goliath, envenimant carrière et vie de famille de son héros malgré lui, en devient captivant. On ne peut que se sentir concerné, le téflon incriminé se retrouvant dans nos poêles, moquettes et autres biens du quotidien. Selon un encart final, 99 % de l’humanité est déjà contaminée. Bien plus effrayant qu’une créature aquatique, avais-je annoncé.

7.5/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


Eric2017

il y a 4 ans

Encore un biopic démontrant que face à l'argent au business, nous le peuple, on ne peut pas faire grand chose. Cette grande entreprise capable de nous empoisonner et de le nier parce que le bénéfice est de 1 milliard de $ par an !! Et puis il y a la manipulation des informations, les magouilles, les rapports secrets, pour ne pas découvrir ce que le C8 (Téflon) provoque sur l'humain, sur les animaux et sur la nature. On fait trainer durant 7 ans le résultat de 69'000 analyses de sang....qui prouvaient un lien direct entre l'entreprise Dupont et les maladies, les malformations et les morts provoqués par le C8. De qui se moque-t-on ?
A part ça Marc Ruffalo et Bill Pullman sont excellents dans leurs rôles.
Encore un film à ne pas manquer surtout en pleine époque de médiatisation d'un "virus" ! (G-05.03.20)Voir plus


vincenzobino

il y a 4 ans

Le lac des Merveilles
1998: Cincinatti: Robert, un jeune avocat fiscaliste est confronté au cours d’une visite chez sa grand-mère dans une bourgade de Virginie à une terrible réalité : cette région rurale souffre par l’unique faute de la société Dupont et d’une usine polluant l’eau. Une longue enquête s’ouvre à lui, une quête absolue dont la famille et les collègues ne pourraient survivre.
Le voici donc ce nouveau procès cinématographique sur le scandale Dupont. Un véritable électrochoc judiciaire.
La première séquence dans le passé, longtemps restée inexpliquée, nous met, sans que l’on s’en doute, en plein dans le vif de la malhonnêteté industrielle : produire à tout prix et engranger du bénéfice, sans se préoccuper des dommages collatéraux. Et ce sont ces derniers qui vont nous captiver deux heures durant.
Après son fantastique musée des merveilles, Haynes nous soumet un nouveau combat de David contre Goliath avec comme objectif de faire couler cette merveille pollueuse de revenu déclenchant un enfer. Et en cette période de pandémie venue d’Asie, cette comparaison involontaire nous hante tout du long: la source même reste inconnue au grand public mais les moyens de propagation utilisés sont tout aussi dangereux. Pas de vol aérien mais un élément essentiel se charge du massacre.
Brillamment interprété avec Ruffalo et surtout Pullman en tête, cette reconstitution ne manque pas d’égratigner l’administration sur toutes ses formes, la plus hallucinante étant sans doute les années d’attente pour une information capitale qui scellera l’issue de l’enquête; final qui provoquera un double ressenti : soulagement et stupéfaction à la fois. Cette issue aurait peut-être pu être davantage amplifiée mais le choix de Haynes de privilégier le vécu de Rob est on ne peut plus louable.
A recommander, vivement si dans votre vie, vous avez été confronté à cette pollution sur un plan médical...Voir plus


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