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La Chimère France, Italie, Suisse 2023 – 134min.

Critique du film

La nouvelle œuvre poétique d’Alice Rohrwacher

Critique du film: Maxime Maynard

En compétition pour la Palme d’or à la dernière édition du Festival de Cannes, Alice Rohrwacher présente «La Chimère», un conte enchanteur d’un genre fantastique tout en retenu.

Jeune Anglais, Arthur (Josh O’Connor), vit dans la Toscane des années 80 et utilise ses dons particuliers pour mettre à jour des trésors étrusques. Avec ses amis, ils sont des tombaroli, des pilleurs de tombes, cherchant la richesse dans des sépultures oubliées. Entre passé et présent, Arthur erre, emmêlé dans le souvenir d’un amour perdu.

Alice Rohrwacher est une conteuse de talent. En douceur, elle pare ses œuvres d’une magie subtilement terre à terre et brouille la frontière entre fantastique et monde réel. Ainsi, en 2018, le protagoniste d’«Heureux comme Lazzaro» disparaît mystérieusement avant de réapparaître plusieurs dizaines d’années plus tard, toujours aussi jeune, comme si le temps n’avait eu aucune emprise sur lui. Dans «La Chimère», c’est au tour d’Arthur de posséder des capacités troublantes : il peut ressentir ce qui est caché sous terre et ainsi découvrir l’entrée de tombeaux antiques.

Cette vision du fabuleux, typique des films d’Alice Rohrwacher, fait écho à celle des tombaroli, que la réalisatrice observait en Toscane, sa région natale, du temps de sa jeunesse. Pour ces hommes, le merveilleux prenait racine dans la vie quotidienne et chaque groupe se devait de posséder un membre aux dons obscurs. D’étranges facultés qu’Arthur manie habilement.

Pour l’incarner, l’acteur britannique Josh O’Connor - découvert dans le film «Seul la terre» de Francis Lee et dans la série Netflix «The Crown» - fait preuve d’une sobriété appréciable qui laisse pourtant transparaître la moindre émotion. Il est entouré de la légendaire Isabella Rossellini, de la magnétique actrice brésilienne Carol Duarte ou encore de l’actrice française Lou Roy-Lecollinet. Un concentré de talent à savourer avec attention.

Si les premiers instants du long métrage peuvent être complexes à interpréter, devant le manque d’informations et de contextualisation, le récit se dévoile doucement, sans hâte. Il est agréablement accompagné d’images empreintes de nostalgie, d’une diversité musicale plaisante et d’instants de digressions stylistiques originaux. Ainsi, l’écran se retourne, la pellicule s’accélère, le quatrième mur est brisé par un aparté francophone. Et, sans surprise de la part d’Alice Rohrwacher, le résultat est délicieusement poétique et particulièrement attrayant.

(ZFF 2023)

26.10.2023

4

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Commentaires

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giugasvili

il y a 3 mois

Le royaume de l'Invisible unifié au Visible : la poésie est de retour au cinéma !
Stratifications archéologiques, stratifications temporelles, mythes antiques et années '80, atmosphères de Rossellini, Fellini, Pasolini, souvenirs du thème de Guardie e ladri, des traditions orales des cantastorie... Fantastiques retrouvailles avec le meilleur du cinéma et de l'esprit italien ! Entre hier et avant-hier, Alice Rohrwacher, conteuse formidable, nous accompagnera, on l'espère, longtemps encore demain !
Magistral, magnifique, à voir absolument !Voir plus

Dernière modification il y a 3 mois


CineFiliK

il y a 3 mois

“Les vestiges du jour”

Le Britannique Arthur revient en Italie visiter sa belle-famille. Il y retrouve une bande de pilleurs de tombes étrusques qu’il aide à prospecter les lieux grâce à un don lui permettant de ressentir le vide en lui et sous ses pieds.

Il n’est pas toujours aisé de suivre et saisir les particularités du cinéma d’Alice Rohrwacher qui aime nous perdre au pays des Merveilles. Histoires étranges et fantastiques ancrées dans la Péninsule des décennies passées et qui, entre sacré et profane, mêlent des personnages hétéroclites. Que vient chercher Arthur en ce territoire qui n’est pas le sien, au milieu de ces gens qui ne lui ressemblent pas et le dévisagent, intrigués, charmés ? Il poursuit l’être aimé, celle qui aujourd’hui n’est plus qu’une chimère.

C’est par le conte et la mythologie que le verrou de l’intrigue va sauter. Sur du Monteverdi, Orphée cherche son Eurydice, dans les limbes ou les enfers. Des aèdes chantent sa longue odyssée à la guitare et au triangle. Sur son chemin, la déesse mère et ses nymphes l’accueillent au sein de leur gynécée. Le géant anglais mènera à la baguette ses misérables compères, comme le joueur de flûte d’Hamelin. Trahis par des ennemis plus fortunés, les rats quittent le navire. Le héros n’est plus qu’un fantôme, un mort pour ses anciens compères. Il refuse les bras tendres de la muse Italia et, dans le sombre labyrinthe, tire sur le fil d’Ariane jusqu’à ce qu’il se brise. L’illusion des retrouvailles ne laissera aux vivants qu’une statue de marbre, la tête coupée, noyée dans les eaux troubles de la mer Tyrrhénienne.

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 mois


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