Bernadette France 2023 – 92min.

Critique du film

Une combattante à l'Elysée

Critique du film: Fanny Agostino

Sa répartie et son piquant font d’elle une personnalité politique immuable. Détestée ou adulée par l’opinion publique, Bernadette Chirac a endossé le rôle de Première Dame pendant près de 11 ans. Longtemps en retrait de la scène médiatique, elle a pourtant joué un rôle politique considérable dans la carrière de son mari. Léa Domenach en fait le récit.

5 mai 1995. Jacques Chirac savoure sa victoire. Il vient d’être élu président de la République. De son QG de campagne, il s’avance à la fenêtre pour saluer ses partisans. Une tête blonde au brushing parfait s’approche de la balustrade. Bernadette Chirac aimerait savourer cette victoire, pour laquelle elle a tant donné. Son enthousiasme sera de courte durée : elle se voit rapidement effacée, dans l’ombre du Président.

Il ne faut pas se fier à son titre quelque peu réducteur. Bernadette n’est pas un biopic. La cinéaste, connue pour son engagement féministe, s’est focalisée sur les années présidentielles. Un choix appréciable, tant il permet de concentrer la narration sur la place à laquelle, une fois son président de mari élu, Bernadette Chirac se voit reléguée. Celle qui conseillait son mari occupe désormais un rôle de potiche : plutôt que de sortir à l’opéra, elle mangera devant la TV avec Jacques, elle sera priée de veiller à l’intendance du déménagement et à nouer les cravates…

Le paradoxe est implacable : bien qu’au centre névralgique des décisions politiques, voilà qu’elle s’en trouve exclue. En début de séance, on a beau nous signaler humoristiquement que la fiction s’inspire librement de la vie de la dame aux pièces jaunes, il semble difficile d’imaginer que ces anecdotes soient le fruit de l’imagination de Domenach…

Le parti pris de la comédie est très réussi, notamment grâce à un casting époustouflant. Catherine Deneuve endosse brillamment le tailleur désuet, les mimiques sarcastiques et l’intelligence d’une femme qui parvient petit à petit à prendre le contrôle de la place qui lui est dû et à redorer son image aux yeux des Français. Mention spéciale pour Sara Giraudeau en impitoyable Claude Chirac ainsi qu’à Denis Podalydès, truculent conseiller en image de la première Dame.

Pour son premier long métrage, Léa Domenach réussit subtilement son entrée grâce à un équilibre savamment dosé entre comédie et plongée au cœur du pouvoir. Les sombres recoins de l'Elysée sont illuminés… Les murs en tremblent encore.

15.02.2024

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 6 mois

“Potiche”

Dans l’ombre de son mari Jacques depuis toujours, Bernadette Chirac change son image et accède enfin à la lumière en devenant Première dame de France.

Il fallait oser choisir pour sujet de son premier film la vie d’une personnalité publique a priori « ringarde », « froide » et « austère ». Le défi est honorablement relevé par Léa Domenach qui confie la tâche de chanter les louanges et les peines de son héroïne à une chorale, insistant sur le côté fictionnel de cette histoire vraie. Sa chance est de bénéficier d’un casting 5 étoiles emmené par Catherine Deneuve. En reine mère, l’actrice reprend le rôle de potiche qu’elle tenait pour François Ozon. Marre de faire tapisserie dans le palais royal en baissant les yeux devant les frasques de son époux volage ! Après une humiliation de trop, la dame rose lucide et intuitive s’émancipe enfin en aiguisant ses épines. Couvertes d’or jaune, la tortue part à point et dépasse sur la ligne de la popularité son lièvre coureur, quitte à se mettre à dos le reste de sa famille politique et de cœur. La satire est parfois méchante, la fable comique n’hésitant pas à mordre au mollet un chauffeur rustre, le stratège de Villepin, ainsi que Sarko le traître. L’hagiographie reste amusante, mais sans connaissances générales de l’Élysée, la revanche de la blonde ne pourrait que ronronner.

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 6 mois


Eric2017

il y a 6 mois

Dès le début on le sait c'est une adaptation très librement inspirée de la vie de Bernadette Chirac. N'empêche que dans l'ensemble c'est une très bonne comédie, qui par moment est vraiment très drôle. Certaines personnalités sont bien "accrochées" et ce n'est pas pour me déplaire. Deneuve-Vuillermoz et Podalydès sont tous excellents. (G-15.10.23)Voir plus


vincenzobino

il y a 6 mois

4.25: Le lièvre et la tortue
1995: Jacques Chirac est élu Président de la République. Si c’est une victoire pour la clique de droite, cette élection est un supplice pour son épouse Bernadette contrainte de laisser sa carrière de députée en retrait. A moins que son conseiller Bernard Miquet, moqué par le Président, ne choisisse de rendre cette première Dame populaire.
La voici cette chronique apparente de la vie comme première Dame, du moins telle que je le croyais avant de finalement découvrir une jubilatoire satire.
Dès l’entame, le décor est planté avec une apparition musicale fil rouge qui donne le ton: les Pro Jacques Chirac (JC) vont passer une mauvaise heure et demie alors que toutes les personnes déçues ou indifférentes à cette vie politique devraient être comblées.
Lea Domenach doit clairement faire partie du second clan, tant cette vie royale y est montrée de manière humoristique repoussante avec une ode à l’hypocrisie exquise, un procès sur le « dodequannat » inutile, qu’une phrase introductive présentant comme partiellement fictif, ne doit pas être loin de la réalité.
Dans cette fable n’en étant pas une, Bernadette y est présentée dans un double rôle : départ à reculons avant une initiative la promulguant personnalité préférée grâce à une certaine pièce jaune. Et si Bernadette est le sujet du film, ce bras droit en soi est le véritable narrateur avec un génial Podalydes qui provoquera bien des fou-rires.
On ne s’ennuie pas une seconde et le sentiment final est représenté en cours de film: cette vie prisonnière en soi donnera lieu à une libération délivrée par un lièvre en fureur et dont bénéficiera sa tortue.
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