CH.FILM

Polish Prayers Pologne, Suisse 2022 – 84min.

Critique du film

Vigilance quand tu nous tiens…

Critique du film: Kevin Pereira

Rappelant par son projet – suivre un jeune militant d’extrême droite – La Cravate, dernier documentaire en date de Mathias Théry et Étienne Chaillou, Polish Prayers retrace la trajectoire d’Antek, vingt-deux ans, de son adhésion au parti national-radical à une émancipation rendue possible par l’éveil amoureux.

Né dans une famille ultra-conservatrice de la Pologne contemporaine, Antek grandit dans un environnement religieux où le mariage, la foi en Dieu et l’équilibre du foyer sont érigés en valeurs cardinales. Épousant, d’abord, ce système, sans jamais le remettre en question, Antek va, peu à peu, s’en distancier, jusqu’à définitivement s’en affranchir. La raison de l’ébranlement : une rupture amoureuse provoquée par un excès de différences idéologiques.

Stimulant sur le papier, le projet documentaire d'Hana Nobis, dont il est son premier long-métrage, rend surtout compte d’une posture constamment embarrassée à l’idée de traiter son sujet avec tout le sérieux que celui-ci exige. Craintive, sans doute, que l’on puisse la taxer de complaisance – voire d’allégeance – à l’égard de cette droite radicale polonaise qu’elle prétend filmer, la cinéa ste refuse pourtant de la montrer. La narration tout entière est ainsi placée sous le signe de la vigilance : les scènes ne durent jamais très longtemps, empêchant continûment le spectateur de les investir. Ainsi conçues comme de simples vignettes, sur lesquelles on ne s’arrête jamais vraiment, les scènes meurent dans l’incapacité de produire du décentrement, de susciter, chez le spectateur, des affects troubles, de le bousculer dans ses croyances ou d’ébranler ses certitudes.

On touche là au principal problème du film : la frilosité, sur laquelle il a été tout entier construit, conduit la réalisatrice à mettre en place une véritable esthétique du verrouillage. En témoigne, d’abord, la manière dont est filmé Antek au sein des milieux conservateurs qu’il fréquente : il est sans cesse représenté déconnecté des autres (pourtant dans le même espace, on sépare souvent, par le contrechamp, Antek du groupe), littéralement coupé de l’environnement dans lequel il se situe (jeu sur les focales qui cherchent constamment à flouter ce qui l’entoure), pour bien nous signifier, à nous spectateurs, que, dès le départ, il se différencie de ceux qu’il fréquente – petit agneau parmi les brutes.

Prenons pour exemple cette scène, agaçante, où le jeune homme, filmé en gros plan, parvient à sauver un insecte de la noyade, ménageant un contraste, appuyé et didactique, avec ce qui se dit en off (ses amis militants se demandent si les végétariens mangent du poisson, sous prétexte que ce n’est pas de la viande). Symptomatique de la démarche de la cinéaste, cette séquence atteste des limites d’un documentaire arraché à toute forme d’ambiguïté.

07.11.2023

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