Soul Etats-Unis 2020 – 102min.

Critique du film

Un conte initiatique sur le bonheur et la poésie du jazz

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Et voilà qu’en tomber de rideau d’une année (inter)minable, l’écurie Disney Pixar a dévoilé son petit dernier le jour de Noël. Un long-métrage qui a reçu le label Cannes 2020, Soul de Pete Docter est une envolée rayonnante dans la vie de Joe, un professeur de musique new-yorkais. Une réalisation d’une inventivité folle et un message d’une rareté émouvante. De quoi nous réchauffer le cœur pour l’année à venir.

Professeur de musique, Joe Gardner (parlé en version originale par Jamie Foxx et par Omar Sy en VF) ne vit que pour le jazz. L’homme se rêvait presque Thelonious Monk, mais il décroche la Blue Note à l’école élémentaire. Et alors qu’on lui offre un poste à temps plein, c’est la douche froide. D’un coup d’un seul, ses rêves s’effondrent sur l’autel de la sécurité de l’emploi. Mais voilà que le téléphone sonne, un ancien élève qui a percé dans le milieu a besoin de renfort le soir même pour accompagner «The Dorothea Williams Quartet». Joe est aux anges, mais une bouche d’égout laissée béante viendra contrecarrer ses plans. Pendu au téléphone, Joe y plonge comme dans un songe. Happé par l’au-delà, «Soul» est aussi un film qui nous rappelle l’importance de regarder là où on met les pieds!

Et voilà que Joe passe de vie à trépas; au seuil des marches du paradis c’est l’heure du bilan. De son corps ne reste qu’un esprit, et ils sont des milliers à sombrer comme des fantômes vers l’immensité lumineuse. Dès lors, Pete Docter (qui avait préalablement écrit les Vice-versa et autre Là-haut) dévoile la grande machinerie du monde d’après et alors que Joe tente de s’évader, il se retrouve coincé dans les arcanes du monde d’avant. Le voilà instructeur dans un monde où les nouvelles âmes acquièrent leur personnalité et leur caractère. Joe va venir en aide à l’intrépide “22” (parlé en VO par Tina Fey et Camille Cottin en VF) qui a résisté à tous ses mentors et qui refuse catégoriquement la vie sur Terre. En chemin, les deux comparses feront la rencontre d’un certain Moonwind (Graham Norton), sorte d’hurluberlu en transe qui communique avec l’au-delà.

Ici les univers se croisent dans une fable qui rejoindra les grandes explorations de l’âme humaine au cinéma. Au cœur d’une célébration de la culture afro-américaine, Pixar révèle une histoire teintée de déterminisme et capable de naviguer entre la gravité et la virtuosité de l’existence. Une inventivité folle, et visuellement d’une abstraction dingue; après les excellents En avant et Coco, la patte des studios est resplendissante. Une épopée rocambolesque aux multiples facettes et au pouvoir co(s)mique implacable. En témoignent la très drôle ribambelle de «Jerry», ou la beauté sombre du passage dans les plaines des âmes mortes.

Et que dire de la sublime bande-originale de Jon Batiste aidé par Herbie Hancock, Daveed Diggs, ou encore la batteuse Terri Lyne Carrington. Quant à Trent Reznor et Atticus Ross, figures emblématiques de «Nine Inch Nails», ils sont à la barre des mélodies du monde des âmes. Initialement prévu au cinéma puis mis en ligne le 25 décembre dernier sur Disney+ en raison de la Covid-19, Soul est une merveille à regarder en famille. Entre un Joe existentialiste et une 22 nihiliste, «Soul» parle de la douce simplicité de la vie. Le film défroisse le problème très contemporain des passionnés et des carrières. À sa manière, «Soul» est une ode philosophique aux tropismes de l’enthousiasme; un conte initiatique sur le bonheur et la poésie du jazz.

10.03.2023

4.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 3 ans

“L’Âme stram gram”

Humble professeur de musique dans un collège, Joe Gardner semble avoir décroché la lune : il va pouvoir enfin réaliser son rêve en accompagnant sur scène un quartet de jazz renommé. Mais une mauvaise chute l’entraîne tout droit dans le « grand avant », sorte de purgatoire cotonneux où, sur un malentendu, une âme en devenir lui est confiée.

Le sourire pointe dès les premières notes volontairement éraillées du fameux générique disneyen. Pas facile de garder son sérieux et la foi éducative face à des élèves qui n’ont pour seule aspiration que d’être ailleurs. Alors qu’on lui offre la sécurité de l’emploi, Monsieur Gardner craint de se perdre s’il opte pour cette facilité. Mais son destin funèbre l’arrête sur le chemin d’un esprit éthéré qui se refuse de naître. Numéro 22, le réfractaire, n’en est pas à son premier mentor poussé au désespoir : Lincoln et Jung se sont arraché barbe et moustache, Marie-Antoinette en a perdu la tête, quant à Gandhi, comme Mère Teresa, il ne l’a pas supporté. Confronté à ce « no body », Joe va-t-il réussir à recouvrer son corps ?

Dans un mélange musical, poétique et philosophique très convaincant, Pixar s’interroge sur l’existence : Y a-t-il une vie après la mort ? Une vie avant la vie ? A quoi je sers ? Passion, vocation ou ambition suffisent-ils pour me combler ? Et si je me contentais d’être un chat ? Samare et tranche de pizza ont-elles un sens ? Des réponses qu’un guide ou une main tendue pourraient inspirer.

Cet « âme stram gram » aux graphismes chatoyants et confortables rappelle beaucoup les sentiments de Vice versa,autre grande réussite du studio éclairé. La préadolescente est devenue un homme qui se cherche encore. Redite ou plagiat plutôt que continuité médiront certains. Pourquoi hésiter devant une telle rhapsodie en couleurs qui nous encourage à en savourer chaque minute ? Pour son 25e anniversaire, Pixar souffle une bougie étincelante qui n’aura malheureusement pas l’honneur de réchauffer les écrans de cinéma. La souris aux grandes oreilles n’est plus qu’un rat.

(9/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 ans


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