Roads France, Allemagne 2019 – 100min.

Critique du film

La frontière d’une amitié infinie

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Présenté en première mondiale au dernier festival Tribeca (New York), le second film de Sebastian Schipper a une saveur bien particulière : après son excellent Victoria et son fameux plan-séquence de 2h14, le cinéaste allemand devait confirmer son tour de force. Place à Roads, un road movie entre le Maroc, l’Espagne et la France.

Gyllen (Fionn Whitehead), Londonien d’origine, est un ado rebelle, fatigué de supporter ses parents durant des vacances familiales au Maroc. Il “emprunte” le camping-car de son beau-père et rencontre un jeune réfugié congolais, William (Stéphane Bak), avec qui il va nouer un fort lien amical. Au travers de cette amitié naissante, les deux comparses décident de s’aventurer à travers le Maroc et l’Espagne pour rejoindre la France, terre promise : Gyllen veut retrouver son père biologique et William souhaite retrouver son frère parti du Congo pour rallier le camp pour réfugiés de Calais.

Deux adolescents à l’orée de leur majorité. Avec des airs à la 303 de Hans Weingartner, un film dit d’apprentissage sur la route, là où le destin se forme, où le caractère se forge. Roads suit deux ados au bord du précipice, à la recherche d’un remède (miracle) pour combler un vide. Le vide affectif est commun pour Gyllen et William. Deux âmes esseulées appelées à cohabiter. Tracer la route pour retrouver un semblant de stabilité alors qu’aucun des deux n’a son permis de conduire. Pour ce faire, le Britannique du duo passe un deal avec un hippie (Moritz Bleibtreu), un peu cramé sur les bords, pour faire un bout de chemin. Bien entendu l’alliance va se solder par une entourloupe. Les désagréments seront légion pour ce duo que tout oppose, enivré par cette liberté nouvelle.

Roads procède de manière conventionnelle, adopte une posture très actuelle - immigration, angoisse existentielle, place dans la société - pour conter une embardée folle. Les kilomètres s’empilent, les deux freluquets avancent, font leurs expériences, épousent l’âpreté d’une vie sauvage. Amitié débordante au milieu des camps de réfugiés de Calais, au milieu des fêlures enfouies. Et c’est au bout du compte, en suivant les aspérités d’une virée telle que vécue par les deux aventuriers, que Roads n’arrive pas à s’affranchir des limites qu’un film tel que celui-ci impose. La fougue et le talent de Fionn Whitehead permettent au film de maintenir un certain intérêt, tout comme la performance plutôt correcte de Stéphane Bak. Mais Sebastian Schipper peine à pleinement décortiquer son sujet, ajoutant un peu de grain de sel avec quelques péripéties par-ci par-là, mais sans réellement investir les fractures, le refus d’autorité et la rébellion qui anime Gyllen et William. Encore un film qui cherche à souligner le besoin de liberté, tout en restant dans un registre très conventionnel, très académique dans son propos.

En bref!

Récit stéréotypé, très figé durant sa majeure partie. Le talent de Fionn Whitehead, regard vide, la tristesse dégoulinante, n’y fera rien. Sebastian Schipper avait réussi une prouesse dans sa mise en scène déchaînée, tendue avec Victoria, parfois à couper le souffle, nous asphyxiant. Roads n’est pas de cette veine, résultant d’une vision trop aseptisée, trop polie. Un manque de vitalité, de dynamisme. On reste sur notre faim.

15.07.2019

2.5

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