Critique25. August 2022

«Trois mille ans à t'attendre» - Un conte diablement inventif

«Trois mille ans à t'attendre» - Un conte diablement inventif
© Elite Film

Lors d’un voyage à Istanbul, une narratologue solitaire met la main sur une relique renfermant un Djinn qui lui propose d’exaucer trois de ses vœux. À travers ses nombreux récits, l’être surnaturel cherche à convaincre son interlocutrice de formuler un souhait, elle qui prétend ne rien désirer.

(Critique de Damien Brodard)

Qu’elle fut longue, l’attente du nouveau film de George Miller! Après avoir mis un coup de pied dans la fourmilière des blockbusters en 2015 avec son explosif «Mad Max : Fury Road», on aurait pu croire que le réalisateur australien veuille se reposer avec son projet suivant. Or, il n’en est rien : sous ses airs de conte des Mille et Une Nuits revisité, bien loin des fracas du précédent long-métrage, ce «Trois mille ans à t'attendre» se révèle être une ode à l’imaginaire, regorgeant d’idées tant narratives que visuelles.

En adaptant une nouvelle dont il a acquis les droits à la fin des années 1990, Miller se fait conteur d’une multitude de récits qu’il place au cœur de son œuvre. La transmission des histoires, leur pouvoir de divertir et leurs mises en garde constituent non seulement le thème central du film, mais également le moteur qui permet une réalisation des plus inventives, jouant sans cesse avec le mouvement et la fluidité des transitions visuelles ou sonores. La narration rythmée et exaltante garantit tant un divertissement de qualité qu’une réflexion sur les récits eux-mêmes.

«Trois mille ans à t'attendre» - Un conte diablement inventif
Idris Elba et Tilda Swinton © Elite Film

Au-delà du simple plaisir de visionnage se cache en effet des questionnements sur l’importance des légendes aux yeux de l’humanité, leur apport à la société ou encore leur éventuelle désuétude à l’ère moderne. Le long-métrage se révèle donc bien plus érudit et complexe qu’il n’y paraît au premier abord, mais jamais de manière méprisante et toujours accessible.

George Miller prouve qu’il n’a rien perdu de sa fougue ni de sa créativité débordante.– Damien Brodard

Tout cela semble bien théorique, et pourtant tout ce qui tient du visuel n’est pas en reste. La multiplicité de fables se déroulant en Orient durant plusieurs siècles, au cours de la période ottomane ou même biblique, représente l’occasion rêvée pour les équipes techniques d’en mettre plein les yeux. Les décors, les costumes et les différents maquillages sont tous plus impressionnants et excentriques les uns que les autres, à un point tel que la direction artistique pourrait dangereusement s’approcher de la surenchère et du kitsch. Il s’agit là d’un terrain connu pour Miller qui a souvent exploré le bizarre et la démesure dans ses précédentes œuvres.

Cet aspect peut certes laisser en dehors, mais est pourtant une formidable porte ouverte à l’imaginaire, également développé par la musicalité des différentes langues parlées, dont le grec, le turc et l’arabe. Une intention assez peu commune, mais tout à fait bienvenue dans un film de cette ampleur. Malgré un budget inférieur à la grande majorité des blockbusters hollywoodiens, les effets spéciaux restent très bien travaillés et sont sublimés par une photographie somptueuse, semblant souvent presque irréelle.

«Trois mille ans à t'attendre» - Un conte diablement inventif
George Miller sur le tournage de «Trois mille ans à t'attendre» © Elite Film

Que dire enfin du duo de vedettes? Tout d’abord, Tilda Swinton, comme toujours impeccable, parvient à glisser ses quelques pointes d’humour et donner de la profondeur à son personnage d’érudite a priori très fermé à la fantaisie. Toutefois, c’est bien Idris Elba qui tire ici son épingle du jeu dans le rôle du Djinn, monstre de charisme aussi intrigant qu’émouvant. L’acteur britannique trouve sans doute là un rôle qui lui permet de déployer son talent, du moins un peu plus que lorsqu’il interprète des gros bras dans les films d’action. Un superbe duo qui porte donc le film grâce à une formidable alchimie et un sens de l’émotion ravageur dans leurs dernières séquences.

«Trois mille ans à t'attendre» est un conte ambivalent, à la fois complexe et accessible, aussi exaltant que mélancolique, qui ne laissera pas indifférent en raison de son visuel décalé, mais diablement inventif. À 77 ans, George Miller prouve qu’il n’a rien perdu de sa fougue ni de sa créativité débordante avec une œuvre dans laquelle il livre avec générosité tout son savoir-faire.

4/5 ★

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