Critique19. Juli 2023

Critique de «Oppenheimer», bombe atomique ou pétard mouillé ?

Critique de «Oppenheimer», bombe atomique ou pétard mouillé ?
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Réalisateur porté aux nues par son public, Christopher Nolan revient trois ans après Tenet (2020) avec un biopic gargantuesque sur le physicien J. Robert Oppenheimer, le «père de la bombe atomique».

(Une critique de Damien Brodard)

Une évocation de la vie de J. Robert Oppenheimer (Cillian Murphy), connu pour avoir été le directeur scientifique du « Projet Manhattan » durant la Seconde Guerre mondiale, un programme consistant à créer une bombe atomique avant l’Allemagne nazie. Au contact de nombreuses personnalités – de son épouse Kitty (Emily Blunt) au Général Leslie Groves (Matt Damon), en passant par le politicien Lewis Strauss (Robert Downey Jr.) – le physicien conçoit l’arme la plus terrifiante que le monde ait connue et doit en assumer les conséquences.

Comme pour chacun de ses films, Christopher Nolan était attendu au tournant. Le réalisateur de «Inception» (2010) et «Interstellar» (2014) signe sans aucun doute avec cet «Oppenheimer» l’œuvre la plus dense et démesurée de sa carrière. Il faut dire que Nolan réinvente enfin un tant soit peu sa mise en scène en s’essayant frontalement à des séquences oniriques tout à fait bienvenues pour plonger dans la psyché tourmentée de son protagoniste. Comme à son habitude, le long-métrage est techniquement impeccable, de la photographie de Hoyte Van Hoytema – quoique l’utilisation du noir et blanc paraisse quelque peu artificielle – aux explosions et représentations de l’infiniment petit par des effets pratiques des plus impressionnants.

Outre le travail tonitruant sur le son, Ludwig Göransson s’est trouvé particulièrement inspiré à la composition en alliant idéalement mélodie et bruitages synthétiques. Il convient toutefois de rappeler qu’il ne s’agit pas là d’un grand spectacle, mais bien d’une évocation de la vie d’un personnage complexe, solidement interprété par un Cillian Murphy qui semble déjà courir vers sa nomination à l’Oscar.

L’étourdissante distribution n’est pas en reste, car dans la myriade de seconds rôles, toutes et tous trouvent de quoi briller : on citera entre autres Robert Downey Jr. qui revient enfin à un rôle notable après une décennie passée chez Marvel, ainsi que la formidable Florence Pugh qui marque le long-métrage de son charisme en une poignée de scènes. Cependant, ces nombreuses qualités peinent à éclipser les problèmes les plus pesants. Malgré le fait que son scénario ne manque pas d’intérêt, le réalisateur britannique abandonne ses personnages en cours de route pour se concentrer sur une narration qui se complaît à récapituler de grandes étapes historiques, laissant de côté le cœur émotionnel du récit. À vouloir tout raconter, Nolan surcharge son œuvre à tel point que la durée en devient difficilement justifiable.

D’un autre côté, le montage apporte un rythme inespéré aux dialogues incessants, si bien qu’il n’y a presque aucun temps mort en près de trois heures – un peu à la manière d’un Dunkerque (2017) – ce qui est aussi stimulant qu’épuisant pour un film d’une telle densité. De plus, la gestion de la temporalité et de l’onirisme par ce montage fait, pendant un temps, souffler un vent de fraîcheur sur une œuvre qui finit malheureusement par étouffer sous une montagne de personnages et de logorrhées. Christopher Nolan a produit un film hors normes, aussi bien symptomatique de tout ce qu’il y a de passionnant que de problématique dans son cinéma. S’il faut être conscient que l’expérience peut sembler rude, excessive, peut-être même pénible pour une partie du public, Oppenheimer n’en reste pas moins remarquable et sidérant par bien des aspects.

3,5/5 ★

Le 19 juillet au cinéma

Plus d'informations sur «Oppenheimer»

Bande-annonce d'«Oppenheimer»

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