Critique11. August 2023

Critique de «Painkiller», l’addictive série évènement de Netflix

Critique de «Painkiller», l’addictive série évènement de Netflix
© 2023 Netflix, Inc.

Et si le prochain carton de Netflix traitait de l’épidémie des opioïdes aux États-Unis ? C’est en tout cas l’ambition de «Painkiller», une mini-série disponible depuis le 10 août sur la plateforme.

(Une critique de Kilian Junker)

L’un des plus grands scandales sanitaires de l’histoire des États-Unis est né de l’esprit d’un homme dont le nom est gravé dans les enceintes de tous les plus grands musées d’Art du monde : Arthur Sackler. Réputé grand philanthrope et amateur d’art sous toutes ses formes, le psychiatre américain est surtout le génie du marketing derrière le nom et la commercialisation de l’OxyContin. Un stupéfiant de la même famille que la morphine ou que l’héroïne, pourtant prescrit à très large échelle dans les années 1990 grâce à un rebranding effroyablement efficace. Voilà le point de départ de la série de Noah Harpster (qui prend au passage également un rôle d’acteur) et Micah Fitzerman-Blue tous deux déjà scénaristes de «Maléfique» et de « L'extraordinaire Mr. Rogers» avec Tom Hanks.

Si «Painkiller» narre l’histoire de l’avidité de cette famille, ses coups de maître marketing et l’instrumentalisation de milliers de publicitaires, médecins et autres pharmaciens, elle n’en oublie pas moins les victimes et tous les lanceurs d’alertes qui flairaient depuis bien longtemps l’arnaque derrière le phénomène OxyContin. La série est montée en œuvre mosaïque, entremêlant les trames narratives de la fameuse famille, d’une avocate bien décidée à faire payer les Sackler, d’un blessé traité à l’OxyContin et d’une étudiante recrutée pour faire la promotion de cette pilule miracle. Et chaque épisode s’ouvre d’ailleurs sur un encart de quelques secondes, présenté par différentes personnes ayant vraiment perdu un proche à cause de l’anti-douleur en question. Si elles indiquent que «Painkiller» a bel et bien été écrit à des fins scénaristiques, elles précisent que la mort de la personne qu’elles aimaient n’était, quant à elle, absolument pas fictionnelle…

© 2023 Netflix, Inc.

Un court segment face caméra, coup de poing, apprêté des oripeaux du documentaire, et pour cause ! «Painkiller» se veut un habile mélange entre pures chimères scénaristiques – la série se regarde volontiers comme n’importe quelle autre œuvre télévisuelle – sans ne jamais s’éloigner d’une puissante pulsion documentaire. Une intention louable et pédagogue, mettant la lumière sur une crise encore brûlante d’actualité (sur le sol américain, en 2017, plus de 64'000 personnes auraient trouvé la mort des conséquences de cette épidémie d’addiction), à rapprocher du travail d’Adam McKay sur «The Big Short : Le Casse du siècle» notamment, où il vulgarisait à sa sauce, non pas la crise des opioïdes, mais l’hécatombe économique de 2008.

Et cette volonté instructive est la force de «Painkiller», mais aussi sans doute sa plus grande faiblesse… En effet, un tricotage constant entre l’échelle microscopique (les personnages) et l’échelle macroscopique (le côté politique et marketing) oblige parfois les créateurs de lu projet à insérer dans leurs répliques des commentaires bien trop didactiques pour sonner justes. L’exploration des rouages de la crise est certes passionnante, mais la mini-série abandonne par instants trop l’arc narratif de ses personnages en se perdant en de nombreuses parenthèses explicatives artificiellement injectées dans le récit, décrédibilisant un poil l’histoire que l’épisode raconte.

2023 Netflix, Inc.

Mais la série se rattrape volontiers de ses petites maladresses en offrant, notamment grâce à un montage d’une efficacité folle, des épisodes qui se dévorent littéralement. Addictifs comme la petite pilule dont ils narrent l’histoire, le côté documentaire n’écrase jamais le rythme et le machiavélisme des pontes de cette industrie pharmaceutique a de quoi rivaliser avec les meilleurs antagonistes de vos programmes préférés. Notons dans ce registre la performance de Matthew Broderick (acteur dans «WarGames» ou encore «Disjoncté») incarnant l’un des plus perfides frères Sackler avec une justesse à faire froid dans le dos…Et le solde du casting n’est pas en reste ! Qu’il s’agisse de Uzo Aduba, déjà actrice dans «Orange Is The New Black», jouant une avocate teigneuse, ou encore West Duchovny (la fille de David Duchovny, star de «X-Files» ou «Californication»), leurs rôles marquants crèvent l’écran et parviennent à faire vivre leur personnage au sein de ce dense récit choral.

En somme, «Painkiller» se place à la charnière entre les séries mastodontes de Netflix et ses projets purement documentaires, jouant un numéro d’équilibriste complexe qu’elle remporte totalement malgré quelques accroches de parcours ! Ces six épisodes seront disponibles dès le 10 août et on ne peut que conseiller de les découvrir en double-programme avec «Toute la Beauté et le Sang Versé», le documentaire de Laura Poitras ayant raflé le lion d’or à la Mostra de Venise 2022 et narrant le combat de la photographe Nan Goldin contre la même famille Sackler.

4/5 ★

«Painkiller» est à découvrir depuis le 10 août sur Netflix.

Bande-annonce de «Painkiller»

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