Critique26. Dezember 2023

Critique de «L'innocence», le monstre du harcèlement par Hirokazu Kore-eda

Critique de «L'innocence», le monstre du harcèlement par Hirokazu Kore-eda
© Cineworx

Cinéaste porté sur la famille et les liens filiaux, Hirokazu Kore-eda, revient avec un film, primé au dernier Festival de Cannes et à la narration éclatée, qui explore un fléau contemporain au Japon : le harcèlement scolaire.

(Critique adaptée de l’allemand)

Les pompiers sillonnent les rues de Tokyo. Le bar à hôtesses d'un immeuble emblématique de la ville est en flammes. Accompagné de sa mère Saori (Sakura Andō), Minato (Soya Kuokawa) se tient sur le balcon et observe. Perdu dans ses pensées, il demande alors : «Si on remplace le cerveau d'un homme par celui d'un cochon, celui-ci est-il toujours un homme ?». Cette question est la première d'une série qui indiquent que quelque chose préoccupe Minato. Le garçon développe des idées noires, et Saori se persuade qu’il est harcelé par son professeur principal.

La personnalité de Saori, jeune mère célibataire, est inhabituelle en ce sens où elle se révèle dans la confrontation, contrairement à ce que la société japonaise attendrait d'elle. Effrontée et dépassée par les événements, elle ne trouvera le repos qu’après avoir fait toute la lumière sur cette étrange affaire. Incarnée par l'excellente Sakura Andō, elle souhaite en effet que des mesures concrètes soient prises et va à l'encontre de la préservation du bien-être du collectif, une valeur pourtant fondamentale de la mentalité japonaise.

Critique de «L'innocence», le monstre du harcèlement par Hirokazu Kore-eda
«L'innocence» de Hirokazu Kore-eda © Critique de «L'innocence», le monstre du harcèlement par Hirokazu Kore-eda

Le réalisateur japonais de 62 ans, Palme d’or à Cannes en 2018 pour «Une affaire de famille», utilise ici un système narratif éclaté et popularisé par Akira Kurosawa dans son chef-d'œuvre «Rashōmon» (1950). «L’Innocence» («Monster» ou «Kaibutsu» en version originale), drame au titre plein d'ambivalences, explore, à travers trois perspectives, un système scolaire japonais défaillant et le mal-être de ses élèves.

En chacun de nous se cacherait un «monstre» invisible et nourri par les contraintes sociales. Mises en musique par l'immense compositeur Ryuichi Sakamoto, décédé en mars dernier, Hirokazu Kore-eda a une nouvelle fois abordé des thématiques aussi touchantes que cruciales, et qui font écho au récent drame de Lucas, jeune collégien de 13 ans, en France. «Après de nombreuses discussions avec les scénaristes et les producteurs, ainsi qu’avec des membres d’organisations de soutien aux enfants LGBTQ, nous avons décidé de ne pas faire de Minato un être qui se nomme et s’identifie comme homosexuel» confie Hirokazu Kore-eda au journal L'humanité. La portée du message est pourtant là, et si l'on regrette parfois une surenchère empathique, il n'en reste pas moins un tableau brutale et polyphonique au cœur du Japon pour compter les troubles de deux jeunes enfants. Reparti de Cannes avec le prix du scénario et la Queer palm, «L’Innocence» est un film à voir.

3/5 ★

Plus d'informations sur «L'innocence»

Au cinéma depuis le 27 décembre.

Bande-annonce de «L'innocence»

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