Interview23. Mai 2023

Interview de Valérie Donzelli sur «L'Amour et les forêts» : «Je voulais mettre en lumière une parole qui se libère»

Interview de Valérie Donzelli sur «L'Amour et les forêts» : «Je voulais mettre en lumière une parole qui se libère»
© Agora Films

Cineman a rencontré l’équipe de «L'amour et les forêts» à Paris, quelques jours avant la première au Festival de Cannes. Valérie Donzelli, Melvil Poupaud et Virginie Efira se sont confiés sur le sujet sensible des relations toxiques.

(Propos recueillis à Paris par Marine Guillain)

Adapté du livre d'Eric Reinhardt, «L'amour et les forêts» raconte le parcours d’une femme victime d’un pervers narcissique. Un thriller dramatique à mille lieux de «Notre Dame», le précédent film de Valérie Donzelli.

«Entre les deux films, il y a eu la série «Nona et ses filles», que j’ai écrite et réalisée, rappelle la cinéaste. Ces neuf épisodes, c’était comme faire trois films, c’était un tel paquebot ! Après ça, mon envie de jouer était rassasiée et j’ai eu envie de me consacrer à la mise en scène en explorant un genre que je n’avais jamais exploré, le thriller psychologique.»

Si le ton change, la thématique féministe, elle, reste. En effet, «Notre-Dame» parle de la charge mentale des femmes, «Nona et ses filles» de la sororité et de la grossesse, et «L'amour et les forêts» des violences conjugales. La réalisatrice a pris toutefois la liberté de s’éloigner du livre pour mieux s’approprier son récit.

«Dans le livre, l’histoire démarre quand Grégoire Lamoureux fait son Mea Culpa. Tout ce qu’il se passe avant a été inventé et ajouté pour le film. Mais surtout, dans mon histoire, elle s’en sort, elle se libère, ce qui n’est pas le cas dans le livre. C’est mon ADN de cinéma, je ne peux pas faire un film qui se termine mal. Je suis attirée par la lumière et non par les ténèbres. J’aime être heureuse, joyeuse, que la vie soit belle. Je raconte souvent des parcours initiatiques dans mes films, qui passent par des étapes très chaotiques et très douloureuses, mais qui se terminent bien.»

© Agora Films

Valérie Donzelli a confié avoir elle-même vécu des relations toxiques, tout comme certaines personnes de son entourage.

«Ce sont des choses fréquentes. Souvent, il y a un mécanisme d’enfermement qui se crée, car quand on prend conscience de la situation, on n’ose pas en parler, par honte. C’était important pour moi de mettre en lumière une parole qui se libère, car à partir du moment où on peut en parler, c’est qu’on a déjà amorcé le chemin de la libération.»

Comme la réalisatrice, Virginie Efira insiste sur la parole comme moyen de libération, tout en précisant qu’il est très compliqué de s’identifier comme victime lorsqu’un rapport d’emprise naît.

«J’espère que ce film pourra aider à repérer des schémas identiques. Il donne aussi une ouverture sur l’idée qu’il existe un système judiciaire qui peut venir en aide, explique l’actrice belge. C’est récent, d’être passé du crime passionnel au féminicide. Avant, dans les médias, lorsqu’il y avait un meurtre, on évoquait le crime passionnel, on ne voyait pas ça comme un système de violence des hommes sur les femmes.»

© Agora Films

Pour elle, il est tout de suite clair qu’il y a quelque chose de dissonant dans le personnage de Greg : «Il est très intrusif au départ et ça plaît à Blanche, je crois. Il y a du mystère chez lui et elle y est réceptive.» Quelque chose de dissonant au début, mais pas grand-chose à sauver à la fin, estime pour sa part Melvil Poupaud : «Il a un côté prince charmant au début, mais en réalité, on sent très vite la manipulation, la possession. Quand il se lâche totalement, on réalise qu’il est cliniquement fou. L'ambiguïté tient dans le fait qu’il a du charisme et qu’il impressionne, même dans les moments les plus atroces.»

Le comédien s’est aussi confié sur sa propre expérience, avouant avoir pu être «un peu relou» ou un peu jaloux avec les filles lorsqu’il était plus jeune. «Heureusement, ces femmes m’ont dit que si je recommençais ça une fois, je ne les verrais plus jamais. Il faut savoir calmer l’autre.»

Loin de rester en surface, «L’amour et les forêts» dénonce les relations toxiques qui se passent dans l’intimité et que l’on ignore, parce qu’il n’y a pas de témoins. «Le prétexte de mon personnage, c’est qu’il aime tellement sa femme qu’il a peur qu’elle lui échappe, poursuit Melvil Poupaud. Mais elle le laisse un peu faire au début et après, c'est trop tard, il a pris tout le pouvoir et il n’a plus de limites. Il l’a extraite de son milieu familial, il vérifie ses dépenses, ses allers et venues… Il a créé un périmètre dans lequel il est tout-puissant, mais il a commencé par petites touches. Ce que le film dit, c’est que dès qu’on sent une petite emprise, il faut dire stop tout de suite.»

«L'Amour et les forêts» est à découvrir au cinéma à partir du 24 mai.

Bande-annonce de «L'Amour et les forêts»

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