Interview

Peter Jackson: le conte est bon

Premier volet d'une trilogie qui a toutes les chances de faire autant d'adeptes que «Star Wars», «La Confrérie de l'Anneau» propulse le Néo-Zélandais Peter Jackson dans l'univers mythique de Tolkien.

Peter Jackson: le conte est bon

Q:C'est la première fois dans l'histoire du cinéma qu'on tourne un film d'un seul coup pour le diffuser en trois épisodes, sur trois années...A:Sans doute. Mais c'était la façon la plus économique de faire trois films. Nous avons tourné pendant 274 jours, en Nouvelle-Zélande, avec tous les accidents que vous pouvez imaginer sur une année : tempêtes de neige, chevaux échappés, inondations, problèmes de budget... Sans compter qu'il a fallu une année entière pour gérer le doublage, le son, le montage et les effets spéciaux. En faisant tout ensemble, nous avons eu un budget assez raisonnable : 270 millions de dollars. Q:C'est pas mal, quand même.A:Oui, mais vous avez trois films. Q:Il a été difficile de transposer le livre de Tolkien sur l'écran ?A:Oui. Mais c'est un roman très précis, il donne des personnages entiers, décrit leur environnement, et du coup, mon travail a été bien plus facile qu'on ne l'imagine. Il suffit de fermer les yeux après avoir lu le livre, et le film est là, dans votre tête. Q:Quel a été votre fil conducteur dans cet incroyable maelstrom de personnages et d'intrigues ?A:D'abord, j'ai voulu que le style du film soit homogène d'un bout à l'autre. Ensuite, que les décors donnent l'impression qu'ils ne sont pas neufs, mais qu'on a vécu dedans. Enfin, et c'est le point le plus important, il a fallu trouver le ton, et que les personnages soient crédibles. Q:Vos acteurs n'ont pas été un peu déstabilisés ?A:Au contraire. Ils ont fait mieux que ce que j'espérais. Quand on a un scénario avec vingt personnages principaux, il ne faut jamais perdre de vue les dix-neuf qu'on ne voit pas lorsqu'on en filme un. Quand les acteurs sont là, ils gardent le contrôle des personnages, même si ils restent dans leur loge. C'est infiniment plus confortable, pour le réalisateur. Ainsi, quand Elijah Wood ou Viggo Mortensen viennent me voir pour me faire part d'une idée, souvent, c'est très juste. À chaque fois, je leur dis : «Je n'y aurais jamais pensé». Moi, j'ai plein de personnages dans ma tête. Eux, ils n'ont que le leur. Ils y mettent toute leur imagination et tout leur talent.Q:Quand on travaille sur un projet aussi démesuré, quelles sont les difficultés ?A:Trouver le centre de gravité du film, et ne pas le perdre de vue. C'est facile de faire un plan qui est joli à regarder, de se déconnecter de l'ensemble du film. Mais il est également facile d'oublier que ce plan doit s'intégrer dans une scène rapide, et si on s'attarde, tout va être ralenti. La dynamique de l'ensemble est primordiale. Q:Comment la trouvez-vous ?A:Dans «Le Seigneur des Anneaux», le problème c'est que le méchant de l'histoire n'est pas un dragon, pas un robot ni un requin. C'est un Anneau d'or. Qui a une action psychologique. C'est ça le plus dur à instaurer et à suggérer. Une fois qu'on a trouvé la façon d'imposer ça, le reste suit, et le film trouve son mouvement naturel. Q:Comment suggérez-vous cette action maléfique de l'Anneau ?A:J'ai montré les visages des gens quand ils contemplent l'Anneau. Il a fallu varier la palette des émotions, et faire appel à la musique. L'idée, c'est que l'Anneau est un personnage parmi les autres personnages maléfiques : les Orques, Saroumane, Uruk-Hai, le Balrog. Mais ils sont tous des deuxièmes couteaux par rapport à Sauron, qui est symbolisé par l'Anneau. Q:Vos films précédents, «Brain Dead» et «Fantômes contre fantômes», étaient assez sanglants. A:Évidemment, «Le Seigneur des anneaux» l'est moins. Mais quand même, ce n'est pas un conte de fée pour nourrissons. Les batailles sont réalistes. Mais, au montage, j'ai pris soin d'écarter tous les plans trop violents ou sanglants. Et puis, il y a un certain humour qui fait tout passer. J'ai voulu préserver les qualités des personnages, leur courage, leur fermeté, et leur façon, parfois amusante, de surmonter les obstacles.Q:Vous êtes satisfait de votre saga?A:Oui. Mais parfois, je me dis que trois films, c'est trop court!

31 octobre 2002

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