Interview

Les Rencontres de Cineman: Pierre Richard pour sa nouvelle comédie “Un profil pour deux”

Théo Metais
Interview: Théo Metais

De passage à Berlin pour la promotion du film «Un profil pour deux», Pierre Richard s'est entretenu avec Theo METAIS. L'acteur nous a fait l'honneur de quelques confidences sur sa carrière, son métier et le rapport qu'il entretient avec son époque.

Les Rencontres de Cineman: Pierre Richard pour sa nouvelle comédie “Un profil pour deux”

Cineman – Parmi les grands noms de la comédie en France, si on part de Molière en remontant par exemple jusqu’à Claude Lelouch ou encore Francis Veber, quelles sont vos influences lorsque vous jouez un rôle ?

Pierre Richard – Au début de ma carrière, j’étais plus dans le tiroir des comiques burlesques américains comme Chaplin, Keaton ou même Jerry Lewis et pour revenir à la France, c’était Jacques Tati plus que De Funès ou les comédies françaises en général. Il y en avait des bonnes, mais ce sont plus des comédies basées sur un texte alors que mon comique était plus un comique de situation et surtout, basé sur une gestuelle.

Cineman – Comment définiriez-vous le rôle de la comédie aujourd’hui dans la société française?

Pierre Richard – Il y a des comédies qui ne sont absolument ni sociétales ni poétiques, qui sont là uniquement pour faire rêver. Ensuite il y a des comédies comme “Intouchables” avec François Cluzet, qui me semblent déjà être beaucoup plus ancrées dans la société actuelle. Les “comédies à la française”, je ne sais pas trop ce que ça veut dire parce que je m’inscrivais déjà dans un temps qui était différent. C’était les comédies burlesques et disons … poétiques. Quand il s'agissait de mes films, c’était même un peu dénonciateur car “Les malheurs d’Alfred” c’était l'abêtissement du jeu télévisé, et dans l’histoire de “Je sais rien, mais je dirai tout”, je me retrouve bien souvent en dessous de la vérité. C’était donc un burlesque poétique et dénonciateur mais on ne peut pas appeler ça de la “comédie française” car justement, elles étaient en marge, comme Tati était en marge d’ailleurs. De Funès, lui, était complètement dedans, mais c’est encore autre chose, il y avait cette forme de génie qui faisait rire.

Cineman – Dans les années 80, vous étiez connu pour le burlesque et votre gestuelle alors que dans ce film, vous êtes plus subtil, plus calme, plus adouci. Est-ce que c’est quelque chose que vous recherchez dans vos rôles?

Pierre Richard – Déjà physiquement, je ne peux plus faire les films dans lesquels je glissais d’une gouttière et tombait dans un précipice. Aujourd’hui c’est exclu! Et le fait d’avoir fait des films burlesques comme “La Chèvre”, qui est d’ailleurs remarquablement écrit, ça ne m’empêche pas d’accepter des films comme celui-ci. J’ai trouvé qu’il était intelligent dans l’écriture. J’ai adoré mon rôle de vieux râleur qui finalement manipule le jeune pour arriver à ses fins. C’est quelque chose que je fais très bien. Je sais très bien jouer les malheureux (rires). Et si ça ne marche pas, je sors une petite pièce. Comme je sais qu’il est fauché, il est gêné mais il la prend et il y va (rires). Ce rôle m’amusait beaucoup à jouer, mais effectivement c’est différent de “La Chèvre” ou du “Grand Blond avec une chaussure noire”. L'histoire est jolie et en plus, elle n’est pas très loin d’une des pièces les plus mythiques du théâtre français qui est Cyrano de Bergerac. Cyrano quand on y pense, c’est la plus grande star, mais c’est tellement jolie, poétique et surtout drôle.

La bande-annonce

Cineman: Comment voyez-vous l’évolution des réseaux sociaux?

Pierre Richard – Cela doit pouvoir jouer un rôle, ça peut être extrêmement négatif, comme parfaitement positif. Je connais un ami, enfin, un ami, comme dirait ma petite fille “Moi j’ai 332 amis”. Je lui dis “Comment peux-tu en avoir 332 à ton âge, alors que moi, je n’en ai pas 3?«. Les copains c’est autre chose, mais on ne les appelle pas “des amis”, les amis c’est autre chose... Bref, je connais un type donc, qui me dit “C’est génial, je vais me marier bientôt” et je lui dit “Tu l’as rencontrée où?” et il me répond “Sur les réseaux sociaux”. C’est évidemment le côté positif. Ensuite il y a comme toujours des incohérences, des aberrations. Moi personnellement je n’ai pas l’habitude, ça me gêne que l’on sache où je suis tout le temps. On a du mal à garder une certaine intimité et le plus dangereux, ce sont les “Fake News”. Moi j’en ai eu. On a dit que je cachais des enfants en Russie. J’en ai eu d’autres et pires d’ailleurs. Cela fait 3 fois que l’on annonce ma mort. Bon ce n’est pas agréable, il y a mieux et bien entendu, c’est anonyme.

Cineman – Et les sites de rencontres dans tout ça, pour les personnes plus âgées, qui suite à un décès par exemple et loin de la famille peuvent se retrouver isolées du monde … On pourrait presque y voir une certaine poésie.

Pierre Richard – Effectivement je ne vois pas pourquoi on condamnerait la possibilité de pouvoir parler à une femme ou à un homme et de se trouver des points communs, les même goûts en littérature, en sport, sur les voyages ou que sais-je encore. Le problème c’est aussi que les gens vivent de plus en plus vieux. Mais ce n’est pas parce que nous sommes de plus en plus vieux que nous sommes de plus en plus morts, au contraire, nous sommes de plus en plus vivants! Dans le temps, à partir de 50 ans on disait “Houla! Il commence à fatiguer”. Aujourd’hui à 70 ans, j'en connais qui vont visiter les temples d’Angkor ou la Patagonie. C’est génial ! Et c’est un des thèmes récurrents de Stéphane Robellin. Moi je n’écrirais pas ça parce que ce n’est pas mon truc, mais il surfe là-dessus. C’est vrai que dans »Et si on vivait tous ensemble ?«, on nous montre qu’un vieux ça peut rigoler, picoler, et faire l’amour, pourquoi pas! Avant, nous disions “Quoi ? A son âge?”. Mais c’est bien qu’il en parle !

Cineman – Le film met en parallèle le grand-père qui a vécu une splendide histoire d’amour pendant 50 ans, la fille qui est séparée et la petite fille qui cherche encore …

Pierre Richard – Ils sont effectivement tous paumés.

Cineman – Est-ce que vous croyez encore au grand-amour?

Pierre Richard – Oui, c’est quelque chose d’éternel, sans doute même la seule chose qui ne bouge pas. Je ne vois pas pourquoi un môme de 25 ans aujourd’hui ne pourrait pas tomber fou amoureux, comme moi quand j’en avais 25. Ce sont seulement les moyens qui changent. Autrefois, nous écrivions des lettres et il fallait attendre 10 jours pour avoir la réponse, aujourd’hui c'est réglé en 30 secondes. Mais franchement, je ne dis pas ça pour flatter la jeunesse d’aujourd’hui simplement je suis persuadé que l’on tombe fou amoureux de la même manière et de toute façon, un coup de foudre reste un coup de foudre.

Cineman – Et le romantisme, il se perd?

Je ne sais pas, pourquoi? (rires) Je demande parce que ce n’est pas mon truc, moi c’est la technique qui m’emmerde! Mais on peut s’envoyer des mails ou des sms aussi enflammés que quand on écrivait une lettre avec une plume. Je ne vois pas pourquoi ça changerait !

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10 mai 2017

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