Interview

Cyril Dion : «Demain : une autre histoire est possible»

Interview: Karine Weinberger

Interview réalisée par notre partenaire Daily Movies avec Cyril Dion, co-réalisateur avec Mélanie Laurent du documentaire militant « Demain ».

Cyril Dion : «Demain : une autre histoire est possible»

Quel était votre rapport au cinéma avant de réaliser Demain ?

Je suis comédien de formation. Juste avant de réaliser Demain, j’ai co-produit le film « Solutions locales » avec cette même idée d’utiliser le cinéma comme moyen de faire passer un message fort sur ces sujets-là. Je crois que les humains conçoivent le monde en terme de récits. Je crois que le monde tel que nous le connaissons est né d’une histoire que nous nous sommes racontés très fort pour parvenir à le matérialiser. Le but du film est de raconter une autre histoire possible. J’espère qu’en sortant de la séance, cette histoire plaise tellement au public, qu’il veuille en faire partie. D’autant que nous avons des solutions écologiques qui marchent, conçues par des personnes comme vous et moi.

Comment avez-vous rencontré Mélanie Laurent ?

On s’est rencontrés en 2011, suite à sa rencontre avec Pierre Rabhi (co-fondateur avec Cyril Dion de l’ONG Colibri). Mélanie a proposé son soutien à Pierre, en disant que si elle pouvait l’aider d’une façon ou d’une autre, elle le ferait. Elle lui a laissé son numéro de téléphone et c’est moi qui l’ai appelée. En 2012, je lui ai proposée de participer à la campagne « Tous candidats ». On est restés en contact et suite à sa demande, je l’ai emmenée voir la ferme en permaculture du Bec Hellouin en Normandie, qu’on peut d’ailleurs voir dans le film. Leur réussite tient au fait qu’ils allient des connaissances héritées des siècles précédents, avec les découvertes récentes sur le fonctionnement du vivant. Comme toute personne qui s’y rend pour la première fois, Mélanie a été très impressionnée. C’est là que l’idée de réaliser Demain ensemble a germé…J’avais vu et beaucoup aimé son film Les Adoptés. Je me suis dit qu’elle allait amener au film beaucoup de poésie et une crédibilité cinématographique.

La voix de Mélanie Laurent fait écho au questionnement de tout un chacun…

Oui, on a pensé cette voix-off comme un dialogue. Un dialogue qu’on a souvent elle et moi dans la vie. Le parti-pris était que je l’emmène elle et l’équipe du film découvrir des initiatives de par le monde, qu’on s’interroge, qu’on résume des situations avant de passer à l’étape suivante. Le film a tenté d’englober cinq volets : l’agriculture, l’énergie, l’économie l’éducation et la gouvernance.

Dès qu’on parle enjeux énergétiques et économiques, nombreux sont ceux qui ressentent un sentiment d’impuissance face aux intérêts déterminants des états et des multinationales…

Ce qu’on essaie de montrer dans le film, c’est que ces puissances là existent parce qu’on les laisse exister. Théoriquement, les états représentent le peuple. Si les populations sont en désaccord, elles devraient être capable de prendre le pouvoir et comme on le montre en Islande, capable de l’exprimer. C’est valable au niveau national et au niveau local. Concernant les grandes multinationales, il faut être conscient que le jour où on arrête de leur donner notre argent, elles s’effondrent. Nous pouvons décider de reprendre le pouvoir, qu’il soit démocratique, économique…Il en va de même pour notre capacité de produire de l’énergie et notre nourriture au quotidien.

Comment avez-vous financé le film ?

On a demandé de l’argent à des citoyens. Au départ, parce qu’on en avait pas et aussi parce qu’on avait envie que le film soit porté par des gens. En quelque sorte, une façon de faire ce qu’on peut voir dans le film, c’est à dire, de ne pas attendre d’autorisation pour le faire. A l’issue des deux mois de récolte de fonds, on a recueilli 445’000 euros au lieu des 200’000 prévus. C’est énorme pour un financement participatif de film documentaire ! On est donc parti sur les routes avec à la fois une pêche d’enfer et beaucoup de responsabilité pour ramener un film à la hauteur de la confiance que toutes ces personnes avaient en notre projet.

Comme dans tout road movie qui se respecte, la musique est très présente…

Pour moi c’était indispensable. Elle est comme une voix qui unifie les personnes et les endroits qu’on a croisés sur notre route. Frederika Stahl (compositrice de la B.O.) nous a contactés après avoir entendu parler du film par un ami commun. Elle nous a proposé une musique qui nous a profondément émus. La bande-originale du film a une belle unité et une vraie richesse.

Pour le chapitre sur le système monétaire vous vous êtes rendus en Suisse. Qu’est-ce qu’on fait bien à Bâle ?

(Rires) Même si peu de Suisses le savent, il y a là-bas le siège de la banque WIR qui est la deuxième monnaie nationale en Suisse. Cette monnaie est essentiellement utilisée par les PME. Il s’agit d’une monnaie complémentaire créée pendant la Grande Dépression par un certain nombre d’entrepreneurs. A l’époque, ils ont décidé de créer une monnaie sans intérêts et ils ont commencé à commercer entre eux pour survivre. Actuellement, le fait que le moteur de nos économies soit de l’argent créé essentiellement au travers des banques privées par l’endettement est un vrai problème. Aujourd’hui, un quart des PME en Suisse utilise le WIR.

La Cop21 s’est achevée le 11 décembre, avec un accord historique. Qu’en gardez-vous ?

Je trouve formidable que 195 pays donnent ce signal fort pour réduire le réchauffement de notre planète. On sait aussi qu’il n’y a pas de mesures contraignantes et que tout reste à faire. Il ne faut pas relâcher la pression. Je pense qu’il s’agit d’un cadre à partir duquel on peut agir, chacun à son niveau. J’espère que le texte sera révisé en 2020 et surtout, que les états tiendront leurs engagements.

Vous avez d’ailleurs projeté le film au début de la Cop21. Avez-vous eu l’occasion de discuter avec des politiques ?

En effet, on a projeté Demain le 2 décembre dernier. Mélanie a rencontré François Hollande, et j’ai moi-même eu l’occasion de discuter avec Ségolène Royale et les délégués de quelques pays. Ils étaient tous très volontaires. Pour eux comme pour nous, il était inenvisageable de réitérer le fiasco de Copenhague.

Comment allez-vous continuer à mener cette lutte pour la planète ?

J’ai deux projets de film en tête, je ne sais pas encore lequel choisir. La chose la plus puissante qu’on puisse faire, c’est de raconter des histoires qui soient capables de toucher les gens.

11 janvier 2016

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