Interview

Benjamin Lavernhe : «Le rôle est particulier, il s’agit de composer, donc oui il y a une pression»

Interview: Geoffrey Crété

«Le Goût des merveilles» est la belle surprise de cette fin d’année. Douce, tendre, drôle, étonnante, cette histoire d’amour inclassable avec Virginie Efira et la révélation Benjamin Lavernhe saura ravir les amateurs de romance, et emporter tous les autres. Rencontre avec le comédien Benjamin Lavernhe.

Benjamin Lavernhe  : «Le rôle est particulier, il s’agit de composer, donc oui il y a une pression»

Comme c’est votre premier grand rôle au cinéma, on imagine que vous devez être sous pression avant la sortie ?

Oui…. ! Bien sûr. Le rôle est particulier, il s’agit de composer, donc oui il y a une pression. Même si on n’est pas porte-parole de cet autisme dont on parle dans le film, il y a une volonté de bien faire, d’être professionnel.

Ressentez-vous aussi une pression par rapport à la suite de la carrière, qui pourrait en partie être déterminée par le succès du film ?

Je peux y penser car je cogite beaucoup, et en même temps, il ne faut pas commencer à être parano là-dessus… Ca ne m’appartient tellement plus ! J’ai fait mon travail sur le tournage, parfois le film sort un an après, donc j’essaye de faire confiance, sans fantasmer quoi que ce soit. Comme j’aime le film, que j’en suis fier, il y a vraiment cette joie là. Ce qui arrive après… Je ne fais pas de plan sur l’avenir. Je fais beaucoup de théâtre à côté donc je ne suis pas entièrement suspendu à ça.

Ce premier grand rôle au cinéma était un vrai choix ou une belle surprise ?

Je ne suis pas trop stratégique. Il y a des gens bien meilleurs que moi niveau plan de carrière. En tout cas je suis content qu’on me propose des rôles assez différents, c’est une chance. Mon premier film c’était Radiostars, où j’avais un rôle de composition : un geek. Comme le film a bien marché et que le rôle a plu, on a cette crainte de n’avoir que ce genre de rôle après. Mais j’ai eu la chance d’avoir des propositions différentes. Que les metteurs en scène et directeurs de casting voient d’autres choses, c’est un cadeau. Mais je n’ai pas réfléchi à un premier rôle précis qui serait intelligent pour la suite… Travailler c’est déjà une chance énorme donc je ne fais pas la fine bouche. Surtout que ce rôle me plaisait !

Comment fait-on avec entre ses mains un rôle que le public aura l’impression d’avoir vu plusieurs fois ? Y a t-il une vraie peur d’être dans la pure performance voire la caricature ?

C’est vrai qu’il y a une histoire au cinéma avec ce type de rôle de surdoués, et du burlesque. Le réalisateur ne s’en est pas caché : il m’a parlé de Buster Keaton, Bienvenue Mister Chance, Punch-Drunk Love. Il m’a dit que je pouvais voir Rain Man. C’est bien d’avoir tout ça en tête, mais très vite je me suis rendu compte qu’il n’allait pas être question du tout de faire un Forrest Gump à la française. Il ne s’agissait pas de copier, et ça me plaisait. Il m’a vite dit que ça n’allait pas être une performance d’acteur incroyable. Le point de départ est Asperger, mais on s’en détache ensuite. Donc bien sûr qu’on a des références, que j’ai vu des documentaires, des témoignages, et qu’on raconte quelque chose qui existe. Mais on raconte notre histoire à nous, et j’espère qu’on ne va pas trop comparer au final.

Depuis quelques temps, les comédiens de la Comédie française ont la cote, notamment avec les succès et César de Pierre Niney et Guillaume Gallienne. Est-ce que c’est excitant pour vous d’être dans leur sillage ?

C’est un concours de circonstance. Des gens de la Comédie française ont toujours tourné au cinéma, peut-être un peu plus récemment oui, mais la troupe est très douée. Gallienne et Niney ont été très exposés donc oui, d’un coup, on a l’impression que c’est à la mode, que c’est bien, que les acteurs y sont doués. Mais effectivement c’est une opportunité puisque les directeurs de casting se disent, « Tiens, il vient de la Comédie française ». C’est un coup de projecteur dont on bénéficie un peu. Ça ouvre les regards des gens, qui découvrent ainsi des comédiens. Mais le label Comédie française n’ouvre pas toutes les portes. En tout cas c’est bien si ça permet à des gens d’aller au théâtre parce qu’ils ont aimé 20 ans d’écart ou Yves Saint Laurent. C’est un nouveau public qui réalise que le théâtre, c’est bien.

Vous sentez une différence entre les comédiens de la Comédie française et les autres, dans la manière de travailler ou de préparer un rôle ?

La vie là-bas est particulière. Le rapport au groupe, la manière dont on partage, les nombreux metteurs en scène avec qui on travaille sans cesse : ça donne une rapidité, une souplesse. Mais après, chaque acteur a ses recettes, pour apprendre son texte par exemple. Et de manière générale, je ne vois pas de vraie différence. Les acteurs sont là sur un projet, et s’accordent autour d’un metteur en scène, chacun avec ses particularités. En tout cas les différences sont une richesse, ça ne bloque rien.

Avez-vous beaucoup discuté avec Virginie Efira et Eric Besnard de la nature d’une histoire d’amour entre une femme mûre, mère de famille et responsable, et un homme plus jeune, presque enfantin ?

Bien sûr oui. L’originalité du film ce n’est pas de savoir s’ils vont finir ensemble ou pas. Ce qui compte c’est la manière dont ils s’apprivoisent, dont ils se rencontrent et dont c’est filmé. La manière dont la sensualité ne passe pas par un contact physique, mais par la manière dont lui touche ce qui est autour, et le regard qu’elle porte là-dessus. Très vite, le réalisateur m’a parlé de la virilité du personnage, et l’importance qu’on puisse quand même y croire. Justement parce qu’il est juvénile, il fallait que ce soit crédible, qu’on puisse les voir ensemble. C’est pour ça qu’on a mis le burlesque de côté, pour ne pas juste en faire un énergumène. Le but c’était vraiment que le personnage ne change pas, mais que le regard des gens change. Que ce soit les personnages du film, ou les spectateurs.

10 décembre 2015

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