Sparta Autriche, France, Allemagne 2022 – 101min.

Critique du film

Tempête intérieure sur la corde raide

Critique du film: Laurine Chiarini

Est-il réaliste de présenter un sujet sensible de manière non émotionnelle ? C’est la gageure de «Sparta», histoire d’un pédophile en puissance conscient de ses désirs. Déprogrammé à Toronto à la dernière minute, le film flirte avec le malaise sans perdre en honnêteté intellectuelle.

Ewald (Georg Friedrich), Autrichien dans la quarantaine, vit et travaille en Roumanie. Séparé de sa partenaire, attiré par les jeunes garçons, il ouvre une école de judo dans une région pauvre de Transylvanie. Conscient de ses démons, constamment tiraillé entre ses envies et la limite à ne pas franchir, il doit faire face à la colère grandissante des hommes du village.

La controverse autour de la sortie du film concerne davantage les conditions de tournage que le sujet à proprement parler. D’après une enquête du journal allemand Der Spiegel, le réalisateur Ulrich Seidl n’aurait pas averti, encore moins suffisamment préparé ses acteurs mineurs non-professionnels et leurs familles à certaines scènes dépeignant de la nudité ou de la violence. Pour le spectateur, la tension réside en premier lieu dans la bataille mentale à laquelle se livre constamment Ewald, quarantenaire autrichien qui vit et travaille en Roumanie.

Attiré par les jeunes garçons, Ewald vit sur le fil du rasoir. Ne pouvant s’empêcher de les approcher, se mêlant à leurs jeux, il est conscient de son attraction, tout comme des limites à ne pas dépasser. Mais la limite, justement, où se situe-t-elle ? Lors d’une douche collective, Ewald, reconverti en moniteur de judo, se retrouve nu, entouré de ses jeunes élèves en slips. Logiquement, rendre son personnage crédible sans en faire un monstre représentait pour l’acteur Georg Friedrich «un défi sans précédent», comme l’explique le réalisateur.

«Sparta» ne condamne pas : il questionne à haut débit, moralement et socialement. Ce n’est pas par hasard qu’Ewald choisit un village pauvre de Transylvanie pour y ouvrir son école de judo. Entre des parents violents, absents ou alcooliques, les jeunes garçons ont tout loisir de fréquenter ses cours. Ce n’est que quand des soupçons de pédophilie ou, pire aux yeux d’un père, de « faire de son garçon une fille », qu’un groupe d’hommes fait une descente sur le «club».

Étayé par les couleurs grises et froides de l’hiver entre des barres d’immeubles d’allure post-soviétique, le film laisse planer une ambiance glauque s’accordant parfaitement au contenu. Glauque, c’est aussi l’arrière-goût que l’on ressent devant l’écran, impression qui précède un franc malaise atteint pour certains, tangent pour d’autres. Film qui n’est pas à mettre devant tous les yeux, «Sparta» confirme l’attrait du réalisateur pour les personnages « borderline » souvent paumés, sous un regard direct et sans concession.

04.09.2023

2.5

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