Together Danemark, Italie, Norvège, Suède 2000 – 102min.

Critique du film

De Marx à ABBA

À l’occasion de la sortie en salles de «Tillsammans 99», en mai prochain, «Together» (ou «Tillsammans» en suédois) retrouve le chemin des salles obscures. Il y a 24 ans, le cinéaste et scénariste scandinave Lukas Moodysson posait un regard humoristique et nuancé sur la génération de ses parents.

Stockholm, 1975 – la jeunesse cherche des alternatives au modèle de vie petit-bourgeois étriqué de leur environnement. La communauté «Tillsammans» (Ensemble) accueille ainsi huit adultes et trois enfants, venus chercher une échappatoire au capitalisme et à la famille nucléaire. Ainsi vivent Erik (Olle Sarri), l’anarchiste marxiste-leniniste, Anna (Jessica Liedberg), la lesbienne et engagée, Göran, le pacifiste (Gustaf Hammarsten), et Lasse (Ole Norell), le cynique alternatif. La viande, les jeux de guerre et la télévision sont proscrits. Et alors que des débats idéologiques éclosent jusque dans les discutions de vaisselles sales, le couple voisin observe la scène par des jumelles.

On pourrait avoir l’impression que tout a déjà été montré des années 70 et prendre Together (2000) pour un nouveau ramassis de clichés. Mais Lukas Moodysson dépeint chaque personnage avec tant de respect et de profondeur, qu’il devient rapidement clair que ce ne sera pas le cas. Même la femme du voisin, incarnation de la bourgeoisie au début du film, finit par gagner en épaisseur lorsqu’elle s’oppose à son mari pour son fils.

Elisabeth (Lisa Lindgren), la sœur du bienveillant Göran, mène une vie plus conventionnelle jusqu’à ce que son mari (Michael Nyqvist), ivre, la batte. Elle fuit alors le domicile conjugal avec ses enfants et se réfugie dans la colocation. Avec habileté, et sans raccourcis, Moodysson montre la confrontation entre ces deux mondes. Tandis que les colocataires réagissent différemment à cette arrivée, Elisabeth s’adapte à ce nouvel univers. En revanche, ses deux enfants de huit et treize ans ne parviennent pas à se rapprocher de ces adultes qu’ils jugent bizarres.

Avec son film Fucking Åmål (1998), sur une romance adolescente lesbienne, le réalisateur suédois Lukas Moodysson a connu un succès surprise dans toute l'Europe à la fin des années 90. Il poursuit donc sur cette lancée avec Together (2000). Cette fois, les enfants et adolescents sont davantage en marge du récit. Néanmoins, c’est lorsqu’un regard d’enfant est posé sur ces conflits d’adultes que le film touche en plein cœur. Eva, 13 ans, se sent abandonnée par tous, s'ennuie de son père et le méprise en même temps. Le point de vue de cette petite marginale, intelligente et sensible, sur les habitants de cette communauté est à l’origine certaines des scènes les plus chargées émotionnellement du film.

La musique, quant à elle, trouve une place de choix. Ce qui servait à se démarquer à la jeune génération de l’époque, sonne aujourd’hui plutôt sage à nos oreilles. Dans les cercles de gauche, des groupes comme ABBA étaient vus comme l’ennemi politique, représentation du capitalisme musical. Selon Moodysson, le quatuor culte suédois a toujours eu, dans son pays d’origine, une position particulière entre ceux qui les voyaient comme des artistes grandioses et ceux qui critiquaient leur statut ultra-commercial, mais l’écoutaient quand même. Le réalisateur adresse ainsi un clin d’œil à cette opposition en faisant triompher le groupe, sur leurs anciens adversaires, dans le plan final.

(Adapté de l'allemand)

18.04.2024

4

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jibmou

il y a 12 ans

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