Critique22. April 2024

Visions du Réel 2024: «No Other Land», journal de l’occupation israélienne

Visions du Réel 2024: «No Other Land», journal de l’occupation israélienne
© Visions du Réel 2024

Brûlant d’actualité, «No Other Land» documente de l’intérieur la violence de l’occupation israélienne en Cisjordanie.

(Un article de Kilian Junker depuis Visions du Réel 2024)

Centré sur les alentours du village qu’habite Basel Adra – un des réalisateurs palestiniens – et épaulé dans un esprit de franche camaraderie par Yuval Abraham, un israélien, ils s’en vont ensemble sillonner la région de Masafer Yatta pour filmer les raids organisés par l’État d’Israël dans le but de déloger les palestiniens. Chaque message sur leur téléphone leur indique le site d’un nouveau carnage, où des militaires armés jusqu’aux dents défendent des bulldozers dévastant des villages entiers avant de disparaitre aussi vite qu’ils sont apparus.

Basel et Yuval devraient être des ennemis que tout oppose. L’un est palestinien, directement impacté par les destructions de village et traqué par les policiers qui tentent vainement de l’intimider. L’autre est israélien et pourrait profiter de son confort sans se préoccuper des atrocités commises par son propre gouvernement. Accompagnés de deux autres co-réalisateurs, ils sont pourtant animés par la même envie compulsive de documenter, de tendre une caméra à chaque nouvelle exaction, de décrire de l’intérieur la vie insoutenable dans une Cisjordanie déchirée entre deux pôles apparemment irréconciliables. Mais si le documentaire s’inscrit dans la catégorie d’un «journalisme incarné», ils en évitent tous les écueils pour livrer un récit autant intime que profondément universel.

Impassibilité face à la détresse, inhumanité en treillis, délogement forcés, coercition physique et psychique, «No Other Land» s’enfonce dans un crescendo de violence, convoquant par son imagerie des heures sombres de l’histoire qui font décidément froid dans le dos. Si le film questionne sur la puissance des images et sur le désir entretenu par ces jeunes hommes d’alerter avec elles la communauté internationale, il parvient par son dispositif imparable à laisser entrevoir une pointe d’espoir dans cette masse noirâtre d’horreur. Après la Berlinale où il est reparti avec le prix du meilleur documentaire, «No Other Land» récolte le prix du public à Visions du réel sous les applaudissements d’une salle comble. Gageons que cette moisson de récompenses attire une audience large vers ce film, porte-voix d’une population qui peine décidément à se faire entendre.

5/5 ★

«No Other Land» était présenté dans la Compétition Grand Angle 2024.

Bande-annonce de «No Other Land»

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