Critique12. September 2023

Critique de «La Voie Royale», fleur de lys et prépa scientifique

Critique de «La Voie Royale», fleur de lys et prépa scientifique
© Frenetic Films AG

Pour son troisième long-métrage, Frédéric Mermoud était de retour à Locarno, et dévoile le périple d’une jeune aspirante aux grandes écoles en France.

(Initialement publié le 8 août, depuis le Festival de Locarno)

Sophie Vasseur (Suzanne Jouannet) est issue d’une famille d’éleveurs. Surdouée en mathématiques, avant le bac un professeur lui propose de murir ce talent et de tenter une prépa au lieu de rentrer dans un IUT. Jeune femme boursière et introvertie, la voilà plongée dans cette institution abrupte, bourgeoise et essentiellement masculine, où se mêlent l’excellence et l’ambition de ses hôtes assoiffés de pouvoir et d’argent. De l’autre côté, sa famille lutte pour obtenir une subvention et sauver la ferme, et son frère milite aux côtés des gilets jaunes sur les ronds-points.

Après «Complices» et «Moka», le cinéaste Frederick Mermoud est de retour à Locarno sur la Piazza Grande pour présenter le très attendu «La Voie Royale». Une épitaphe programmatique qui invoque le prestige, ou la violence, parfois, de ces voies néolibérales toutes tracées aux premiers de cordée de France. Suzanne Jouannet incarne Sophie Vasseur, élève brillante, plus de 17 de moyenne au bac ; une surdouée prédestinée à un grand avenir si elle accepte de rentrer dans la prépa réputée de ce lycée de Lyon. Mais une fois dans l’antre de la future élite de France, broyée par la rigueur de l’enseignement, et tiraillée par le contexte familial, les notes chutes. La jeune femme est déboussolée.

Suzanne Jouannet et Marie Colomb dans «La Voie Royale» © Frenetic Films AG

Croisement hybride entre «Hippocrate» et «The Riot Club», si ces grandes institutions - et leurs célèbres têtes diplômées - méritent bien quelques volées de bois vert, «La Voie Royale» tentera à sa manière d’en distribuer quelques-unes. Aussi discutable soit le contexte de ces prépas, il sert surtout de cadre à ce récit d’apprentissage porté par la talentueuse Suzanne Jouannet (croisé en 2021 dans «Les Choses Humaines»), car il s’agit avant tout de parler de la résilience de son personnage.

Crise universitaire, abnégation, méritocratie, problème de filiation, sororité, quête identitaire, émancipation, transfuge, lutte des classes (dans le contexte brûlant de la crise des gilets jaunes), et même un aparté sur les violences policières, «La Voie Royale» a beaucoup à dire et le film laisse entrevoir les défauts de sa générosité. À trop vouloir donner du corps et du cœur à sa protagoniste, peut-être que sa parabole se disperse et n’explore qu’en surface les thématiques auxquelles elle se confronte. Même l’histoire entamée avec le personnage de Marie Colomb - brillante voisine de palier avec qui le personnage se sert les coudes - est avortée au profit d’une romance, elle aussi, digne d’une autre «voie royale».

Suzanne Jouannet et Lorenzo Lefebvre dans «La Voie Royale» © Frenetic Films AG

Jusqu’en tomber de rideau, le film propose probablement plus qu’il ne met véritablement en perspective. Un moindre mal sans doute pour ce film finalement bienveillant envers sa protagoniste, ses choix et son parcours, et qui ouvre les portes de ce milieu hermétique, autant, on l’espère, qu’il déclenchera de conversations autour de ses thèmes. Sans doute manquera-t-il une énergie plus singulière et une écriture plus resserrée pour décanter quelque chose de corrosif, sinon de plus frontal. Il n’en reste pas moins un élégant récit d’apprentissage, à la hauteur de sa distribution.

3,5/5 ★

Au cinéma le 13 septembre.

Plus d'informations sur «La Voie Royale»

Bande-annonce de «La Voie Royale»

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