Kritik17. Februar 2023

Berlinale 2023 : «La Bête dans la jungle» - La fable énigmatique des existences avortées

Berlinale 2023 : «La Bête dans la jungle» - La fable énigmatique des existences avortées
© Elsa Okazaki

Présenté dans la section Panorama au 73e festival de Berlin, le cinéaste Patric Chiha adapte la nouvelle éponyme d’Henry James pour une fable existentielle au cœur d’une boîte de nuit.

May (Anaïs Demoustier) et John (Tom Mercier) se sont rencontrés dans un camping il y a 10 ans, mais John a oublié. May se souvient pourtant de tout, il lui avait d’ailleurs confié son secret : un jour quelque chose d’exceptionnel lui arrivera, cette chose bouleversera son existence. Et alors qu’ils se retrouvent une décennie plus tard dans ce club à Paris, cet évènement mystérieux n’est toujours pas arrivé. Pendant 25 ans, de 1979 à 2004, May et John guetteront ensemble l’arrivée de cette chose dont ils ignorent tout. À l’entrée du club, la physionomiste (Béatrice Dalle, à la fois narratrice et protagoniste) les observe.

En 1903, l’écrivain britannique Henry James publie dans un recueil cette nouvelle dont le cinéaste viennois s’inspire aujourd’hui. Un roman court et plein d’ironie, qui parle de déterminisme, de la vanité de l’attente et de la recherche perpétuelle de sens. Ainsi, obnubilé par ce prestigieux destin, John (interprété par un Tom Mercier au phrasé crépusculaire) se refuse à tout, à l’amour, au mariage, à l’action, car il faut honorer ce que la providence lui réserve.

© Anna Falgueres

Tapi dans l’ombre des nuits parisiennes, ce club devient une salle d’attente endiablée et métaphorique. Dehors, la vitesse de l’histoire contraste avec leur immobilisme inexorable : Mitterrand, les années SIDA, le mur de Berlin, et les tours du 11 septembre 2001. Alors rien n’y fera, ni la dévotion religieuse d’Anaïs Demoustier pour le voyage impénétrable de John, ni leur histoire qui jamais ne se cristallise ; «La Bête Dans La Jungle» se love dans le subtil et l’amer. Déjà à l’affiche de «Domaine» de Patric Chiha en 2009, Béatrice Dalle, grande prêtresse mystique, y brise le quatrième mur pour nous conter la fable de ces vies avortées. Un film à la fois pénible, absurde, frontal, énigmatique et fascinant. Alors puisqu’il faut tenter de vivre, vivons !

4/5 ★

Retrouvez tous nos articles sur la 73e Berlinale

La rédaction vous recommande aussi:

Ist dieser Artikel lesenswert?


Kommentare 0

Sie müssen sich zuerst einloggen um Kommentare zu verfassen.

Login & Registrierung