Critique18. Februar 2020

«Richard Jewell» - Le souffre-douleur médiatique

«Richard Jewell» - Le souffre-douleur médiatique
© Warner Bros

Richard Jewell est passé du héros au zéro, en un claquement de doigts. À travers la lentille de Clint Eastwood, l’illustre cinéaste continue son travail sur ces héros américains. Après «American Sniper», «Sully», «15h17 pour Paris», place au cas Richard Jewell.

Atlanta, les Jeux olympiques de 1996. Alors que Richard Jewell vient d’essuyer un renvoi d’une université, il se retrouve comme agent de sécurité pour la manifestation. Au Centennial Park, lieu central des festivités et des concerts. Eric Rudolph, un terroriste d’extrême droite, a déposé une bombe dans ce même parc et s’est fendu d’un appel aux autorités - la bombe a fait 2 morts et près de 100 blessés. Jewell, intrigué par le colis, est le premier à lancer l’alerte et entame une course contre-la-montre pour sécuriser le périmètre. Un temps héros de la nation, la suite est beaucoup moins joyeuse: il est le suspect numéro 1 du FBI et également épinglé par la presse. Un vrai cauchemar débute pour l’agent de sécurité bedonnant.

Clint Eastwood a réveillé quelques démons en transformant cette histoire en film. Les premiers à se plaindre vertement du traitement infligé par le légendaire cinéaste est le journal The Atlanta Journal-Constitution, particulièrement froissé par le portrait peu clément réservé à Kathy Scruggs - jouée par Olivia Wilde. La première journaliste à avoir eu l’info grâce à des sources du FBI. Nous la retrouvons en train de fricoter avec l’agent Tom Shaw - un personnage purement fictif incarné par Jon Hamm - pour obtenir des infos cruciales, provoquant l’ire du quotidien: une image choquante et fausse de sa rédactrice décédée en 2001, déplore le journal.

«Citoyen exemplaire exposé à la brutalité d’un monde sans merci...»– Sven Papaux

La véracité des faits est importante, certes, mais le fil rouge de ce scénario pondu par Billy Ray, adapté du livre de Kent Alexander et Kevin Salwen, ajouté à l’article de Marie Brenner «American Nightmare: The Ballad of Richard Jewell», trouve son écho à travers la violence des médias et du gouvernement. Citoyen exemplaire exposé à la brutalité d’un monde sans merci, voilà ce que Eastwood dénonce. Jewell dépeint comme un sociopathe, frustré, ayant délibérément posé la bombe pour jouer les héros, qui plus est vivant encore avec sa mère, le métrage suit un gouvernement accusant sans preuve accablante, un compatriote, une bonne âme.

Kathy Bates dans «Richard Jewell»
Kathy Bates dans «Richard Jewell» © Warner Bros

Le côté le plus fascinant est cette solitude et ce sentiment de vide quand tout le monde s’acharne sur cet homme, coupable sans preuve. Mais le film se démarque surtout par des performances: Paul Hauser étonnant d’intériorité, désarmant quand il se laisse submerger par l’émotion. Hauser sort une performance XXL, qu’on peut sincèrement qualifier de sensationnelle. Kathy Bates, dans le rôle de la mère, réussit une interprétation de grande qualité, tout comme Jon Hamm, incarnant à merveille la mauvaise foi du FBI. Eastwood est un directeur d’acteur virtuose, un cinéaste à la mise en scène soignée, maîtrisée, comme un sujet de ce genre en a besoin. La foule rugissante, les autorités scrutant le moindre faux-pas d’un pauvre bougre embarqué dans la grande lessiveuse gouvernementale. Sous cet angle, «Richard Jewell» est le film souhaité.

En bref!

Écrasé par le FBI, presque étripé par des médias avides de scoop et de discours fracassants, «Richard Jewell» traite de manière maîtrisée le calvaire de Jewell, tant publiquement qu’intimement. Sans caresser le chef-d'œuvre, Eastwood fait le job avec sérieux.

4/5 ★

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