Interview26. Februar 2018

Rencontre avec Cédric Kahn pour son film La Prière - #Berlinale2018

Rencontre avec Cédric Kahn pour son film La Prière - #Berlinale2018
© Berlinale 2018 - Wettbewerb La prière (The Prayer) - Anthony Bajon, Cédric Kahn

Pour la 68ème Berlinale, Cédric Kahn présentait “La Prière” en sélection officielle. Supervisée par un prêtre catholique, une communauté accueille de jeunes toxicomanes qui décident de s’en sortir. Une histoire transcendantale sur l’addiction, l’entraide, l’amour et la foi. Anthony Bajon qui interprète le rôle principal sera d’ailleurs sacré meilleur acteur de la Berlinale.

Cineman - Cédric Kahn, dans “La Prière” nous avons presque un problème contemporain résolu avec une solution ancestrale non?

CK - Pas mal (rires). Encore que je ne suis pas sûr que les problèmes d’addiction soient si temporels que ça. Cela a toujours existé dans l’opium ou dans l’alcool. Et les problèmes de religion c’est pareil, on peut les voir comme ancestraux et éternels. Je dirais que les deux sont assez intemporels. De toute façon, je suis convaincu, et c’est une chose que j’ai découverte en faisant le film, que la drogue est un sujet bien plus large que la drogue et la religion c’est bien plus que la religion.

Cineman - A-t-il été envisagé de plonger cette thématique dans une autre communauté religieuse?

CK - Non. Moi je ne suis pas catholique, c’était comme une enquête. En revanche, cela pourrait-être dans une autre communauté ou même sans religion. Les préceptes de cette communauté vont bien au-delà de la religion. Effectivement, il y a le temps de la prière mais cela peut être assimilé à la méditation. Puis il y a le temps du témoignage, très important, et cela peut ressembler à n’importe quelle psychothérapie. Et il y a l’entraide, la fraternité, le film y fait une grande place. Mais je suis persuadé que c’est la vie communautaire qui les sauve. Après, je me suis laissé toucher par ces pratiques: les psaumes, les chants... J’ai essayé de faire ressortir ce que ça pouvait produire. Mais en effet, dans une autre pratique ça aurait marché de la même manière.

Cineman - Et finalement la religion n’est pas écorchée, vous ne laissez que très peu de place à la critique.

CK - Je crois que la foi et le choix religieux sont interrogés quand même jusqu’au bout du film. A la fin, Thomas fait le choix de l’amour profane puisqu’il choisit la fille et non pas l’engagement. Je pense que la ferveur est remise en question. On dit “ok, tu as le droit de croire, mais qu’est-ce que tu en fais?”. La question du doute est aussi très présente. Et je n’ai pas voulu non plus faire un film prosélytiste, d’ailleurs j’en aurais été incapable.

Cineman - Finalement ce qui les sauve, c’est le compagnonnage.

CK - Là vous allez sur mes croyances personnelles. Moi la figure de la religion en tant qu’institution ne m’intéresse pas plus que ça. Je n’en ai pas besoin en tout cas. Ma croyance elle est de dire que l’on se sauve par soi-même, que l’on se sauve par le lien. Je n’aurais jamais raconté cette histoire de prière si ces gens ne venaient pas de la toxicomanie et des portes de l’enfer. C’est ce chemin qui me captivait.

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Cineman - Et quand on les entend chanter ces chansons. Elles sont hors du temps et forcément drôles au premier degré. Comment vous arrivez à ne pas être ironique?

CK - D'abord je me suis autorisé un peu d’ironie mais je la laisse être prise en charge par les compagnons. Notamment quand il font la petite scène très patronage de théâtre ou quand eux-mêmes racontent des blagues sur Jésus.

Cineman - Qui sont très drôles d’ailleurs.

CK - Mais pour moi ce n’était pas du tout anecdotique. On met quand même 20-25 jeunes ensemble, ça reste un vestiaire. Ils en rigolent. Et on peut tout à fait en rire sans être irrespectueux. Mais il peut toujours y avoir de mauvaises interprétations. Par exemple, il y a des choses qui ont fait rigoler la salle et qui sont aussi des choses qui m’amusent. Notamment les gars qui s’engueulent au réfectoire et qui après se disent “Excuse moi, je t’ai mal parlé”. Voilà il y a une dialectique. Moi j’ai le point de vue de mon personnage. Au début, il est très récalcitrant, on peut s’en moquer, lui-même trouve ça ridicule et petit à petit, on se laisse imprégner. Moi finalement, je trouverais ça formidable si on était capable de se parler comme ça.

Cineman - Et comment vous êtes reçu lorsque vous approchez cette communauté pour en faire un film?

CK - Ça a été un travail super! J’aurais presque pu faire un documentaire sur ce qui a précédé l’écriture du scénario. D’abord, j’ai rencontré des anciens. C’est très important parce qu'il y a une grande différence entre ceux en train de vivre cette thérapie et ceux qui en sont sortis. Et puis, ils ont déjà un recul, donc ils sont capables d’en parler de façon plus objective, de la critiquer, de l’interroger etc. Y’en a même un que j’ai intégré au casting et après je suis allé dans la communauté. Grâce à eux d’ailleurs, ils ont fait le lien. Et j’y ai vécu quelques jours. Et puis chaque histoire est très différente. Y’en a qui restent trois ans, qui partent, qui retrouvent leur femme, leurs enfants, qui replongent et qui reviennent. C’est quand même de sacrés parcours de vie. Et puis les histoires avant la drogue sont aussi incroyables...

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Cineman - Mais on ne sait rien sur celle de Thomas.

CK - Non. C’était un choix assez audacieux d’ailleurs. Non pas que je veuille nous jeter des fleurs (rires) mais quand vous lisez un scénario, le b.a.-ba c’est la biographie du personnage. On avait des scènes, et moins on en savait plus c’était fort en fait. On ne sait rien de lui, mais on sait beaucoup des autres.

Cineman - Au casting, on trouve des acteurs que l’on connait peu et au milieu de tout ça, il y une actrice mythique comme Hanna Schygulla? Simple plaisir cinéphile?

CK - Non, non, mais c’est vrai à l’arrivée on pourrait le justifier comme ça. J’ai casté de nombreuses comédiennes. Mais je ne les trouvais pas crédibles. Dès qu’il y a un peu de chirurgie bon... Je cherchais un visage qui puisse jouer sans maquillage. Après, je voyais la difficulté de la scène à assumer pour une comédienne. Hanna nous a paru parfaite par ce qu’elle dégage. Et elle est assez méconnaissable, donc ce n’est pas tellement sa notoriété qui a joué dans le choix. Même si sa propre mythologie vient se rajouter au personnage. Mais franchement, je ne pense pas qu’un spectateur devant le film additionne les chose comme ça. Elle est surtout très crédible, très hypnotique et elle le joue très bien!

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