Critique1. Oktober 2019

«La vérité» - Le premier grand loupé de Hirokazu Kore-eda?

«La vérité» - Le premier grand loupé de Hirokazu Kore-eda?
© Cineworx

Réalisateur emblématique, on ne tarit pas d’éloges lorsqu’il s’agit de Hirokazu Kore-eda. Palme d’Or à Cannes en 2018 avec son foudroyant «Shoplifters», ou prix du jury quelques années auparavant avec «Like father, like Son», le réalisateur japonais avait le vent en poupe et de quoi chatouiller à l'international. Kore-eda débarquait cette année à Venise avec un long-métrage tourné en français, «La vérité», une énième élucubration bavarde et naïve autour de la famille au casting pourtant délicieux.

Quelque part à Paris, sur un boulevard, un hôtel particulier, bourgeois et sublime, cache une prison. Un ermitage parisien dans lequel Fabienne (Catherine Deneuve), illustre star de cinéma, a élu domicile. Alors qu’elle vient de sortir ses mémoires, sa fille (Juliette Binoche), scénariste aux Etats-Unis, vient lui rendre visite avec son mari (Ethan Hawke), un acteur looser ancien alcoolique, et leur fille (Clémentine Grenier), histoire de célébrer le bouquin, en famille et selon les convenances. Mais à la lecture des premières pages, les fantômes du passé refont surface, avec douleur, colère. La vérité semble avoir été tronquée. Et alors que Fabienne accepte de tourner dans un film de science-fiction, les premières répétitions avec une jeune actrice (Manon Clavel) la bouleversent.

Douche froide à Venise en ouverture, pas sûr que sa présentation au festival de Zurich ne rehausse sa côte, «La vérité» est un étrange métrage bavard et faussement profond, aux dialogues interminables au milieu d’une histoire familiale insignifiante et gorgée d’une guimauve parisienne débordante. Sur ces boulevards, jadis, marchèrent la Nouvelle Vague et Amélie Poulain, ici Catherine Deneuve traîne des airs à la Gloria Swanson dans «Sunset Boulevard». L’actrice pavane une célébrité d’antan, sorte de diva imbuvable qui casse du grain sur Brigitte Bardot & Co. Une élégance enlevée et finalement très (trop) parisienne, la chose manque d'authenticité, de modernité et de crédibilité. Alors que le cinéma français s'encrasse de ses poncifs, le pauvre Hirokazu Kore-eda y plonge allègrement, sans gêne, n’y remord. Les violons tziganes en sortie de brasserie sous le ciel de la rue Mouffetard nous ont flingué.

«Jamais cette famille n’aura la force dramatique escomptée, pas même dans son final...»– Théo Metais

Il y avait pourtant l’attirail de la grande épopée familiale, de celles auxquelles le réalisateur nous avait habitué, et dans les entrailles d’une distribution prodigieuse. De Catherine Deneuve à Juliette Binoche en passant par Ethan Hawke (à l’exception de Clémentine Grenier et Manon Clavel qui s’en sortent admirablement), tous déroulent des tirades inconsistantes, perdues entre la traduction du texte, un montage des plus accessoires et un visuel vide de cinéma (sans compter une soundtrack royalty free de remplissage). Jamais cette famille n’aura la force dramatique escomptée, pas même dans son final. Hirokazu Kore-eda semble reposer la trame de son récit sur une ferveur parisienne. D’aucuns la pensent inébranlable, beaucoup s’y cassèrent les dents, «La vérité» a ce quelque chose d’une époque révolue, sans mélancolie aucune, simplement désuet et superficiel. Hirokazu Kore-eda frappe bien trop loin de son époque.

En bref!

Aussi prodigieux soit son réalisateur, aussi prometteuse soit la distribution, la mouture finale frôle le has-been et la surenchère de clichés à outrance. Il y avait pourtant un potentiel indéniable, «La vérité» restera très anecdotique, lesté par un scénario sans grande consistance.

2/5 ★

Plus d'informations sur «La vérité». Au cinéma le 22 janvier 2020.

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