Critique26. August 2022

«Flee» - Fuir le passé

«Flee» - Fuir le passé
© Filmcoopi

Sept ans après son dernier documentaire, le réalisateur danois Jonas Poher Rasmussen revient en force avec un film d’animation brillant et intense, nommé dans trois catégories à la cérémonie des Oscars 2022.

Si encore trop souvent dans la culture occidentale, le format d’animation se retrouve étroitement lié à l’enfance, il serait bien risqué de positionner ici la jeunesse comme public cible. Car, comme le magnifique «Valse avec Bachir» (2008) du réalisateur israélien Ari Folman, «Flee» aborde des thématiques sombres et parfois brutales dans un superbe documentaire à l’esthétique à première vue enfantine. Mais cette simplicité épurée intensifie, par son contraste évident, une émotion omniprésente. Les couleurs lumineuses attirent les regards et flattent l’image dans un parfait jeu de tonalité, gracieuse illustration d’une variation de sentiments. Les dessins, aux formats déjà diversifiés, s’entrecoupent d’images d’archives, témoins d’une certaine noirceur de l’âme humaine.

Car toujours, l’horreur de la guerre se permet de transformer les populations en chair à canon. Des pertes, superflues pour les puissants, qui tacheront à jamais l’Histoire d’un sang innocent. Ainsi, l’Afghanistan des années 80 se fait le terrain malheureux d’un affrontement par procuration des forces soviétiques et américaines. Une pièce de l’échiquier qui, une fois la partie avortée, se déchire dans les méandres d’une guerre civile. Face à l’instabilité du pays, Amin et sa famille se décident à fuir, afin d’échapper à l’effroyable réalité d’un quotidien potentiellement funeste. Devant la brutalité d’un passé bien loin d’être révolu, nous ne pouvons en sortir indemne. Et «Flee» de devenir la magnifique voix des réfugiés dans un tourbillon de souvenirs personnels et historiques.

«Flee» - Fuir le passé
Amin partage son histoire © Filmcoopi

En toute intimité, le protagoniste se dévoile au micro de Jonas Poher Rasmussen. Des conversations incluses dans l’œuvre, rythmées d’illustrations des événements contés. Ainsi, les mots s’enchaînent dans de violentes descriptions. De la vie des réfugiés en Russie du début des années 90 à la cruauté des passeurs : le récit, marqué d’une constante intensité, trouve un certain répit dans les moments de douceur propres aux relations amoureuses et familiales. Délicatement abordé, l’impact du trauma sur un présent pourtant joyeux, se ressent dans chaque moment d’hésitation et de doute. Mais malgré le poids de ces révélations, «Flee» diffuse la chaleur d’un espoir apprécié et partage ainsi la force de l’être humain dans sa quête de liberté.

Avec réussite, Jonas Poher Rasmussen aborde l’histoire d’un homme confronté aux perturbations de son pays. Un documentaire animé, intense et humain, nécessaire dans l’illustration d’un passé qui hante encore et toujours l’Afghanistan, pour un chef-d'œuvre du cinéma. À ne surtout pas rater.

5/5 ★

Plus d'informations sur «Flee»

Bande-annonce

La rédaction vous recommande aussi:

Cet article vous a plu ?


Commentaires 0

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement