Critique1. April 2024

Critique de «Drive-Away Dolls», psyché, queer et débridé

Critique de «Drive-Away Dolls», psyché, queer et débridé
© 2024 Universal Pictures International Switzerland

Politique, sororité, sextoys et santiags, bienvenue dans «Drive-Away Dolls», le roadmovie lesbien du légendaire Ethan Coen en duo avec Tricia Cooke. «Drive-Away Dolls» pourrait bien vous faire perdre la tête.

Comédienne de stand-up sans le sous, et après une rupture avec sa compagne, Jamie (Margaret Qualley) décide de prendre le large avec Marian (Geraldine Viswanathan), qui aimerait bien pouvoir se reposer. Départ de Philadelphie, direction Tallahassee en Floride. Elles louent une voiture et les deux amies se retrouvent, sans le savoir, à transporter un colis qui était destiné à des malfrats. Bientôt, l’affaire s’emballe et grimpe jusque dans les hautes sphères de la politique. Il semble que le sénateur Gary Channel (Matt Damon) ait deux ou trois «choses» à cacher.

Au début des années 2000, Ethan Coen et Tricia Cooke (célèbre monteuse de cinéma et partenaire à la ville) avaient composé les prémisses d’un road-movie comique et lesbien intitulé «Drive-Away Dykes». Un scénario soumis initialement à leur ami.e et réalisatrice Allison Anders qui avait voyagé dans les festivals avec un projet similaire : «Gas Food Lodging» en 1992. Or le projet ne s’est tout simplement pas fait. Selon les déclarations de Coen et Cooke au Guardian, l’incipit «déconcertait les gens» avant d’ajouter que «l'irrévérence n'était tout simplement pas au goût du jour à cette époque.». Alors les années passeront, et de cette époque, les cinéphiles averti.e.s retiendront «O Brother» ou encore «The Man Who Wasn't There».

Colman Domingo, C.J. Wilson et Joey Slotnick © 2024 Universal Pictures International Switzerland

Aujourd’hui, les «Dykes» sont devenus des «Dolls» (changement imposé par société de production) et le scénario débarque avec une divine impertinence. Inspiré des œuvres sulfureuses de John Waters («Pink Flamingos» (1972)) et Russ Meyer («Faster, Pussycat! Kill! Kill!», 1965), «Drive-Away Dolls» rouvre en effet un pan oublié de la sous-culture hollywoodienne, celui du B-Movie et du cinéma de sexploitation. En découle un long métrage gentiment explicite, une vivacité visuelle à vous faire sauter la rétine, et un message lesbien martelé toute voile dehors qui, au passage, déstigmatise la libido queer et féminine à l’écran.

Sans doute manquera-t-il à l’ensemble une dorsale plus solide. «Drive-Away Dolls» pourra en effet laisser la curieuse impression de n’avoir jamais démarré, et la petite heure et ses vingt minutes fuse comme l’éclair. Or les prestations de Geraldine Viswanathan et Margaret Qualley (malgré l’accent texan répétitif et un brin caricatural), nous le rappellent : la pertinence du film est ailleurs. Dans son hommage boulimique aux sixties (Miley Cyrus dans le rôle de Cynthia Plaster Caster, notamment), la reprise de contrôle des deux personnages dans le sud républicain des États-Unis et une forme d’ironie et de plénitude affranchie, «Drive-Away Dolls» défroisse un genre qui s’était assagi. Un film gorgé de cinéma, de lumière, de littérature et de désinvolture, bref who let the «Dolls» out ?

Plus d'informations sur «Drive-Away Dolls»

3,5/5 ★

Bande-annonce de «Drive-Away Dolls»

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