Critique24. Oktober 2023

Critique d'«Alphonse» sur Prime Video, des retrouvailles père-fils à faire grincer les dents

Critique d'«Alphonse» sur Prime Video, des retrouvailles père-fils à faire grincer les dents
© Prime Video

Premier passage de Nicolas Bedos au format sériel, le cinéaste illustre les retrouvailles assez dispensables entre un père gigolo et son fils. Portée notamment par Pierre Arditi et Jean Dujardin, la série est disponible depuis mi-octobre sur Amazon Prime. Zoom sur «Alphonse».

Vendeur de montres de luxe, Alphonse (Jean Dujardin) mène une vie bien morose, empêtré dans un impassible mariage avec Margot (Charlotte Gainsbourg) depuis plus de vingt ans. À l'aube d'un prêt bancaire pour leur appartement, il va malencontreusement perdre son emploi. Parallèlement, Jacques (Pierre Arditi), son père, refait surface dans sa vie après un arrêt cardiaque (suite à un excès de viagra), et bientôt une étrange entente les réunis. En effet, paralysé des membres inférieurs depuis son accident, son père est dans l'incapacité d'exercer sa profession de gigolo, et propose ainsi à son fils, qui ignorait tout du véritable métier de son père, de prendre la relève.

Ni fard ni tambour. Suite aux affaires en cours à l'encontre de Nicolas Bedos (le cinéaste devrait comparaitre début 2024 suite à des plaintes pour «viol et agressions sexuelles»), Amazon Prime avait pris la décision de sortir sa série dans la discrétion générale. Produit par Alain Goldman (derrière notamment le succès de «La Môme», réalisé par Olivier Dahan, ou le plus récent «J'accuse» de Roman Polansky), «Alphonse» cochait les cases de la série à double tranchant. Éminemment clivante, elle aurait pu être sauvée par son casting de haute voltige (Pierre Arditi, Jean Dujardin, mais aussi Nicole Garcia et Charlotte Gainsbourg) et par son scenario, si celui-ci n'avait pas été aussi nombriliste et finalement très indolent.

Ils ne s'étaient plus parlés depuis des lustres. Par un curieux coup du sort, père et fils se réconcilient doucement, alors que Pierre Arditi, personnage lubrique de profession, se retrouve cloué aux quatre roues de son fauteuil. Bientôt, le bougre cravate sa progéniture afin qu'elle puisse reprendre le carnet de commandes. Aux petits soins pour ses clientes, Jean Dujardin apprend les vers de Victor Hugo et enfile une tenue de général de la Deuxième Guerre pour satisfaire les fantasmes vieille France les plus historiques. Césarisé en 2019 pour «La Belle époque», Nicolas Bedos nous fait une nouvelle fois valser à travers les époques et manie lyrisme et mise en scène avec une ingéniosité certaine, or le point de convergence de ces multiples astuces pourra laisser franchement dubitatif.

Une chose soit dite en passant, le point de départ de la série «Alphonse» n'était pas dénué d'intérêt. En effet, il permet d'adresser le sujet des rapports filiaux, le poids du mariage et le sujet de la sexualité chez les personnes d'un certain âge. Et si la thématique du travail du sexe mérite d'être exposée, par sûr que la tribune qui lui est ici offerte ne soit véritablement au point. Sous couvert de fiction, «Alphonse» semble se faire le réceptacle réactionnaire des fantasmes de ses protagonistes, d'un regard masculin, misogyne (les femmes y sont forcément castratrices ou terrorisantes lorsqu'elles ne sont pas un objet de désir), et du cirque de la petite vie miséreuse de son duo de tête.

Un peu meta, sur le divan d'Amazon Prime, et dans un genre à la Jean-Paul Belmondo vs Richard Anconina (il ne s'agit naturellement pas ici d'apprendre à dire bonjour), Nicolas Bedos idolâtre sa mère et retrouve un père (Guy Bedos s'est éteint en 2020), dans une œuvre où ladite transgression devient à la fois excuse et passe-droit, et non une lentille révélatrice.

«Mascarade» n'avait su convaincre en 2021, et à son tour, «Alphonse» marche au pas (et à reculons) dans une lettre d'intention qui dès lors ne s'adresse plus qu'à ses fidèles. Régurgitant une bien dispensable rengaine dans un récit anesthésiant, «Alphonse» oublie peut-être tout simplement d'être drôle, ironique, allocentré et innovant, des qualités rares qui, manipulées adroitement, permettent, parfois, de justifier un récit à flanc de falaise.

Quatre épisodes (sur six) sont actuellement disponibles sur la plateforme Amazon Prime.

1,5/5 ★

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