Critique26. August 2021

«Candyman» - Miroir, mon beau miroir...

«Candyman» -  Miroir, mon beau miroir...
© Universal Pictures International Switzerland.

Acclamée pour «Little Woods» en 2018, la cinéaste Nia DaCosta dépoussière la légende du Candyman aux côtés de Jordan Peele. Un tour de train fantôme dans les méandres d’une légende urbaine terrifiante et d’un Chicago gentrifié.

Aussi loin que les habitants s'en souviennent, les HLM du quartier de Cabrini Green à Chicago ont été terrorisés par une légende urbaine racontée de bouche à oreille, celle du tueur Daniel Robitaille, alias le Candyman. Aujourd’hui, et dix ans après la démolition des dernières tours, un artiste plasticien du nom d'Anthony McCoy (Yahya Abdul-Mateen II) et sa petite amie, Brianna Cartwright (Teyonah Parris), directrice d'une galerie d'art, ont emménagé dans un luxueux loft de Cabrini. Et alors que la carrière de l’artiste est au bord du gouffre, une rencontre lui fait découvrir le véritable visage de cette légende urbaine. De quoi rebooster son inspiration, mais sans le savoir Anthony vient de réveiller la légende.

En 1992, «Candyman» deviendra un classique de l’horreur sous la coupe du cinéaste Bernard Rose, et Nia DaCosta perpétue le mythe. Preuve que les deux univers se rejoignent, Tony Todd enfile à nouveau le manteau de l’homme aux abeilles. À 66 ans, l’acteur a vécu avec son personnage et voilà qu’un petit prince de l’art contemporain déterre sa malédiction. Dans un genre rappelant «Velvet Buzzsaw», Nia DaCosta et Jordan Peele (coscénariste et producteur) signent une divagation horrifique et métaphysique sur les dérives du marché de l’art et ses papes. Un concept fort auquel s’ajoute des thématiques raciales et des politiques urbaines qui élaguent ses périphéries. Bref, le ciel se couvre sur la fameuse «toddlin' Town» de Sinatra.

L’horreur est une parabole et questionne les raisons de la colère...– Théo Metais

Dès son ouverture et ses gratte-ciels en contre-plongée, feutrés sur les synthétiseurs assourdissants de Robert Aiki Aubrey Lowe (accompagné par les violons de Hildur Guðnadóttir qui signait la musique de «Joker»), un clair obscur se dessine et le prologue a les charmes de votre pire cauchemar. Bientôt la légende vous est contée lors d’un diner, et puis celle d’un enfant, jadis, sauvé des flammes ; Yahya Abdul-Mateen II y perdra la raison. Coiffé de son bonnet rouge, l’acteur déambule au milieu des ruines de Cabrini Green avant de croiser le regard halluciné d’un Colman Domingo, toujours aussi brillant. Sorte de mémoire vivante du quartier, la rumeur se précise et l’histoire du «Candyman» devient alors un requiem pour un peintre en mal d’inspiration, une manière incisive d’aller piocher dans les heures sombres de Chicago.

«Candyman» -  Miroir, mon beau miroir...
Teyonah Parris dans «Candyman» © Universal Pictures International Switzerland.

Rappelant le leitmotiv du mouvement «Black Lives Matter», le «Say My Name» du «Candyman» laisserait à penser que Nia DaCosta et Jordan Peele signent une fable horrifique subtile sur les destinées qui se meurent de n’être contées. Ou serait-ce une fable horrifique sur le traumatisme subit par les Noirs? La violence du «Candyman» personnifiant ici les dommages et les traumas causés par des décennies de politiques raciales et d'épuration urbaine. D’où l’interprétation si complexe de son histoire, celle qui nous est contée en ouverture en 1977, ou en tomber de rideau dans un magnifique théâtre de marionnettes en papier.

Une manière incisive d’aller piocher dans les heures sombres de Chicago...– Théo Metais

En témoigne la tentative d’intimidation finale subit par le personnage de Teyonah Parris, «Candyman» est chargé politiquement et nous parle aussi de la violence psychologique faite aux femmes. À la manière d’un «Get Out» (2017) ou du célébrissime «Night of the Living Dead» (1968), l’horreur est une parabole et questionne les raisons de la colère. Empruntant au gore et aux grandes heures du cinéma d’exploitation, le gamin de Chicago Yahya Abdul-Mateen II (figure de Black Manta dans «Aquaman») incarne cet Anthony McCoy dans une nouvelle performance stellaire. Aveuglé par une démence proche du «Nombre 23», il est en proie à la pire des damnations alors que le Candyman n’en finit plus de sévir. Des galeristes, une critique d’art, et quelques adolescentes en mal de sensations fortes, la faucheuse crochetée frappe à la gorge de celles et ceux qui prononceraient son nom. Et nous de rester pendus à la volte du «Candyman».

4/5 ★

Le 25 août au cinéma. Plus d'informations sur «Candyman».

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