Critique1. März 2022

«Belfast» - Nostalgie d'un passé transfiguré

«Belfast» - Nostalgie d'un passé transfiguré
© 2022 Universal Pictures International Switzerland

Certainement le film le plus sincère et le plus personnel de Kenneth Branagh ; après ses adaptations d’Agatha Christie, le voilà favori des Oscars avec Belfast, ou l’histoire d’une enfance au pied des murs de la paix, au cœur des violences nord-irlandaises de la fin des années 1960.

(Critique de Gaby Tscharner, adaptée de l'allemand par Théo Metais)

Nostalgie quand tu nous tiens

Ma mère disait toujours qu’avec l’âge, nous ne nous souvenons que des bonnes choses. Communément appelée la nostalgie, celle-ci joue un rôle important dans «Belfast» de Kenneth Branagh qui s'inspire ici de son enfance. Une histoire racontée exclusivement du point de vue du jeune Buddy (Jude Hill). La caméra, volontairement basse, permet de restituer le point de vue de l'enfant et Branagh parsème l’écran de grands plans théâtraux, notamment lorsqu’il observe les parents, un peu trop beaux, et ce grand-père, omniscient, qui a une solution à tous les problèmes de Buddy.

Itinéraire d'un enfant

Le pasteur au visage rougeaud et la patience à fleur de peau, rappelle que les catholiques ne sont pas les seuls à entretenir le feu de l'enfer. Et lorsque se dégrade la situation politique à Belfast, les raisons complexes de ces troubles religieux échappent naturellement au jeune Buddy. Sa seule préoccupation n’est autre que gagner le cœur d'une jeune fille de son école. Ainsi s’enquière-t-il chaque après-midi de quelques conseils chez Pop, assis sur le couvercle fermé des toilettes comme d’autres se rendraient au confessionnal.

© 2022 Universal Pictures International Switzerland

Belle(fast)

Kenneth Branagh décrit «Belfast» comme son film le plus personnel, et peut-être que la nostalgie lointaine de son enfance le pousse à idéaliser ses personnages. De Pop au professeur d'école en passant par les parents, tous débordent de charme, de perspicacité et d'autodérision. Les dialogues deviennent alors les perles de ce film, mais sur fond de guerre civile religieuse, personne ne sera dupe, la réalité était certainement tout autre. Et il en va de même pour cette caméra qui plonge la pellicule dans un élégant noir et blanc, lequel appuie le point de vue de l’enfant qui sautille, un peu trop insouciant, dans les rues de Belfast sur la musique de Van Morrison.

«Belfast» accomplit ce qu’aucun autre film de Branagh n’avait réussi auparavant– Gaby Tscharner

Branagh Paradiso

Un conflit qui a duré plus de 30 ans, appelé « les Troubles », initié par un mouvement pour les droits civiques pour lutter contre la ségrégation confessionnelle que subissent les catholiques, cette "religion sanglante". Et voilà qu’à force de nostalgie et de perspective un peu naïve, la thématique du conflit manquera d’être réellement abordée. D’ailleurs lorsque l’enfant s’interroge, on lui répond par quelques poncifs sur la tolérance. La famille de Buddy est protestante, tandis que sa bien-aimée est catholique. "Elle pourrait être une antéchrist végétarienne que je m'en moquerais", confesse le grand-père à son protégé. Et pour fuir le réel, la famille se rend au cinéma. Buddy découvre «Tschitti Tschitti Bäng Bäng» (1968), et voilà que nous traversent les souvenirs du «Cinema Paradiso» de Giuseppe Tornatore.

© 2022 Universal Pictures International Switzerland

Exploit aux Oscars

Kenneth Branagh admet avoir été influencé par des films comme «Hope and Glory» (1987) de John Boorman et «Au revoir les enfants» (1987) de Louis Malle, ce qui a conduit ses détracteurs à qualifier Belfast de méli-mélo manipulateur d'idées. La critique était facile. Or la richesse de détails que Branagh donne à son scénario est telle que les souvenirs ne peuvent provenir que du répertoire de l’auteur, à voir aussi, l’authenticité des propos de Pop sur la classe et la condition. Aussi la critique oublie-t-elle parfois à quel point le film fut apprécié par le public lors de la saison des festivals. Et avec ses 7 nominations aux Oscars, «Belfast» accomplit ce qu’aucun autre film de Branagh n’avait réussi auparavant.

3,5/5 ★

Le 2 mars au cinéma

Plus d'informations sur «Belfast».

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