Kritik16. Februar 2024

Berlinale 2024 : «Pendant ce temps sur Terre», un curieux récit de science-fiction de Jérémy Clapin

Berlinale 2024 : «Pendant ce temps sur Terre», un curieux récit de science-fiction de Jérémy Clapin
© Manuel Moutier

Le spécialiste de l’animation, Jérémy Clapin présente en première mondiale à la Berlinale son tout premier long métrage en prises de vues réelles. Surprenant récit de science-fiction, «Pendant ce temps sur Terre» n’est pas à l'abri d’une certaine maladresse.

Passionnée de dessins et de comics, Elsa (Megan Northam) n’a plus le goût à rien depuis la disparition de Franck, son frère astronaute, lors d’une mission spatiale. Revêtue de sa tristesse, elle se laisse vivre sans se préoccuper du lendemain. Mais un jour, la voix de son frère résonne à ses oreilles, puis une autre, inconnue. C’est celle d’un être extraterrestre qui propose à Elsa un marché : il peut l’aider à retrouver Franck si elle facilite son arrivée, et celle de ses compagnons, sur terre. Mais pour cela, la jeune femme devra remettre en question sa morale.

Il avait frappé fort avec son premier métrage ! En 2019, Jérémy Clapin sort «J’ai perdu mon corps», et c’est une réussite : Grand prix de la semaine de la critique à Cannes, Cristal du long métrage au Festival du film d’animation d’Annecy, deux César et une nomination aux Oscars. Un impressionnant palmarès qui n’a d’égal que la qualité de l’œuvre. Et après cinq ans d’attente, le cinéaste se lance enfin dans un nouveau projet !

Cette fois-ci, il se décide, presque, à mettre l’animation de côté. Presque ? En effet. Si le long métrage est bien majoritairement tourné en prises de vue réelle, il n’hésite pas à l’entrecouper de petites saynètes dessinées. Sympathiquement composé, leur univers intergalactique, particulièrement agréable à regarder, semble tout droit sorti de classiques télévisuels à la «Capitaine Flam» ou «Ulysse 31». Mais aussi séduisants soient-ils, ces petits apartés paraissent parfois bien superflus et auraient peut-être gagné à s’inclure plus efficacement dans les péripéties.

Des péripéties écrites par le cinéaste en personne, qui propose un récit de science-fiction tout en douceur. Sans extrapolation, il l’ancre dans une réalité ordinaire : pas de sabre laser, ni de vaisseaux spatiaux, mais des voix extraterrestres qui résonnent aux oreilles de l’héroïne. L’idée, originale et charmante, ne demande que peu de moyen. Malheureusement, elle finit bien par devenir peu engageante, voire dérangeante, après une heure à observer Elsa parler toute seule.

Pourtant, l’actrice Megan Northam donne tout ce qu’elle a. Aperçue dans le nostalgique «Les Passagers de la nuit» avec Charlotte Gainsbourg et dans la série de Cedric Klapisch «Salade Grecque», elle illumine le film par sa passion et son énergie. Mais un ensemble de musiques dramatiquement lourdes étouffent par moment sa performance. D’intéressants personnages secondaires l’accompagnent le long de l’œuvre, d’une Catherine Salée parfaitement à l’aise dans la peau de la mère, à une Sofia Lesafre - récemment à l’affiche de «Vermines» - pétillante dans le rôle de la meilleure amie.

Si une certaine maladresse rythme son projet, Jérémy Clapin offre tout de même une histoire originale et esthétique. Les thématiques du deuil et de la solitude, joliment illustrées et interprétées, sèment une émotion chagrine que le public cueille aisément. Preuve d’un talent certain du réalisateur, «Pendant ce temps sur terre» questionne notre moral et notre éthique. Une œuvre inégale, mais au potentiel bouillonnant.

3/5 ★

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