Le Garçon et le Héron Japon 2023 – 124min.

Critique du film

Miyazaki atteint de nouveaux sommets

Critique du film: Eleo Billet

Bien qu’Hayao Miyazaki n’envisage pas «Le Garçon et le Héron» comme son dernier film, celui-ci, à voir comme diptyque avec «Le vent se lève (2013)», a pourtant tout d’un chant du cygne pour son réalisateur. Si seul le temps nous dira s’il s’agit d’un chef-d’œuvre, le nouveau Ghibli propose assurément une animation et un récit qui feront date.

Alors que la Seconde Guerre Sino-japonaise est en cours, Mahito, jeune adolescent japonais, perd sa mère adorée dans un incendie. Quelques années plus tard, son père se remarie à sa tante Natsuko, et la famille part de Tokyo pour la campagne. Dès son arrivée, Mahito est harcelé par un mystérieux héron cendré, qui lui promet de le réunir avec sa mère si le garçon le suit dans la tour de son arrière-grand-oncle. Débute alors un fabuleux, mais dangereux voyage vertical entre plusieurs mondes.

C’est par une sirène d’alarme puis par les flammes, que s’ouvre «Le Garçon et le Héron», qui constitue sans doute la séquence d’animation la plus belle et maîtrisée du réalisateur. Le feu et son pouvoir de destruction et de résurrection hante ainsi le héros comme le film. C’est en effet par sa mise en scène que Miyazaki innove le plus. Il nous emporte à chaque plan, plus majestueux que le précédent. En outre, la musique composée par Joe Hisaishi, un collaborateur fréquent, parfait l’immersion.

Très riche, l’univers présenté est peuplé de personnages sombres et complexes, de créatures grotesques comme mignonnes et de détails sur leur façon de vivre qui contrecarrent toute tentative de manichéisme. C’est un monde où une jeune fille brûle les oiseaux trop voraces et où un héron-humain manipulateur sert de guide. D’ailleurs, le héron du titre est bien plus qu’un lapin blanc et sa relation avec Mahito, entre méfiance et entraide, l’une des mieux développées du film. Aussi, l’invitation à l’odyssée, au conte finalement, prend son temps et nous avertit que chercher à comprendre est une sentence de mort (de l’imagination).

Forts de thèmes chers à Hayao Miyazaki (ville et campagne, animaux humains et deuil, entre autres), qui trouvent ici une nouvelle résonnance, «Le Garçon et le Héron» prend le voyage comme prétexte pour interroger, non pas seulement l’acte de création, mais l’(im)mortalité d’une œuvre, sa postérité par la transmission et ce qu’elle nous laisse à son achèvement. Les pistes de réponse sont terriblement émouvantes lorsqu’un parallèle est dessiné avec la carrière du réalisateur. Il faut alors se raccrocher au titre original du film : «Et vous, comment vivrez-vous? » pour comprendre le cadeau qu’Hayao Miyazaki nous fait avec cette œuvre somme.

À voir et à revoir, car un seul visionnage ne peut satisfaire, tant le long-métrage abonde d’idées et de références aux travaux précédents de Miyazaki, comme pour leur répondre.

02.11.2023

4.5

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

CineFiliK

il y a 5 mois

“Le voyage de Hayao”

Le jeune Mahito perd sa mère lorsque la ville de Tokyo est bombardée en 1943. Il part se réfugier en campagne dans le manoir de sa tante, seconde épouse de son père. Là, le guette un héron cendré, décidé à l’emmener avec lui dans d’autres mondes.

Hayao Miyazaki avait pourtant juré qu’il ne se remettrait plus à sa table de dessin. L’appel de la plume et du pinceau demeure irrésistible. Après avoir rendu hommage au père dans Le vent se lève, c’est à sa petite maman qu’il pense 10 ans plus tard. Son voyage commence dans un Japon marqué par la guerre, l’exil et le rationnement. Les mamies du château, si proches de Chihiro, s’extasient devant du bœuf en boîte et quelques cigarettes. L’entrée dans le merveilleux se fera au pied d’une tour, sous l’égide de l’esprit oiseau au caractère versatile. Héroïnes toujours aussi fortes et courageuses, femme pirate et jeune fille en feu participeront à la quête initiatique de Mahito, qui confronté aux phases du deuil inspire vite de l’empathie. Les « warawara », bibendums fragiles et souriants, constitueront la touche « kawaï » attendue. Quant à la figure hostile de cet univers non manichéen, ce sera celle d’une perruche. On s’enfonce sous la terre, navigue sur l’eau, vole dans les airs et brûle les couleurs de l’incendie. Avec sur le portail d’accueil, cet avertissement dantesque : « Ceux qui chercheront à comprendre périront ». Que le souffle poétique de ce film testamentaire, quintessence du cinéma de son auteur, puisse nous emporter, nous émouvoir ! La thématique de la transmission est incarnée par le personnage du grand-oncle hirsute, obsédé par son œuvre. Qui pour succéder dignement au vieux maître ? Quel digne héritier capable de préserver la beauté de son monde ? L’art de Myazaki mourra-t-il avec lui ? Il est temps de rentrer à la maison avec en tête cette bouleversante question, titre du livre source de cette aventure : « Et vous, comment vivrez-vous ? ».

(8/10)Voir plus

Dernière modification il y a 5 mois


vincenzobino

il y a 5 mois

Les oiseaux se cachent pour survivre
1942: Tokyo est bombardée. Le jeune Mahito, 11 ans, voit l’hôpital où se trouve sa mère détruit par une frappe aérienne. Son père l’emmène dans le manoir familial en retrait du conflit. Le garçon entre alors en contact avec un héron cendré qui communique à travers d’apparents rêves et lui fait comprendre que sa mère serait bien vivante et l’attendrait dans une tour sous-marine cachée dans un autre monde.
Le voici ce retour du maître Miyazaki pour cet apparent testament cinématographique où la vie possible après la mort suscite un conte. Beau récit.
Les 15 premières minutes font fortement réfléchir en pensant à l’actuelle situation en Palestine et ce hasard calendaire provoque une empathie envers cette apparente perte maternelle. Puis survient ce nouveau départ vers un autre décor et un second univers parallèle où les animaux parlent et pas que.
Comme toujours avec Miyazaki, l’univers visuel et musical est absolument splendide notamment ce plan hallucinant de l’hôpital puis le contraste du feu et la découverte du guide spirituel en soi : ce héron.
Ce dernier n’est pas le personnage principal avec notre garçon mais il va s’avérer un véritable guide dans la quête d’un certain refuge inconnu contenant bien des secrets et une population surprise peu accueillante.
D’une beauté tant dans le sombre que la clarté, avec une partition musicale toujours aussi magnifique, il restait un mystère à percer et en soi, le final un peu brusque pourrait frustrer sur une absence émotionnelle pure sur le final qui pourtant l’aurait méritée.
Néanmoins ce testament apparent et cette (ultime?) cachette de Miyazaki est à recommander.Voir plus


Autres critiques de films

Kung Fu Panda 4

Challengers

Civil War

Back to Black