Critique17. April 2024

Visions du Réel 2024: «The Song of Others», ou l’épopée européenne, contre vents et marées

Visions du Réel 2024: «The Song of Others», ou l’épopée européenne, contre vents et marées
© Visions du Réel 2024

Aujourd’hui, qu’est-ce que l’Europe? Taraudé par cette question, le cinéaste Vadim Jendreyko s’est lancé dans une vaste quête historique, politique et culturelle. Construit par touches, hautement personnel, ce voyage nous emmène à la rencontre des gardiens de la mémoire et de la relève de demain au fil des payés visités.

(Un article de Laurine Chiarini depuis Visions du Réel 2024)

Invité à monter sur scène avant la projection de son film, montré en première mondiale dans la compétition internationale du festival Visions du Réel, le premier réflexe du cinéaste a été de demander à tous les membres de son équipe présents dans la salle de le rejoindre. S’arrêtant sur chaque personne, détaillant son rôle et la remerciant, cette introduction se posait en prélude aux images qui allaient suivre. Collaboration, respect et inclusion, le tout sous un regard subjectif assumé, résument à la fois la vision du documentariste, mais aussi sa façon de travailler.

Tout commence dans les profondeurs du Rhin, à Bâle, fleuve frontière et objet de fascination pour Jendreyko depuis l’enfance. Rapidement, les images enchaînent sur un autre type de frontière, construite cette fois-ci de la main de l’homme, tendancieuse et liberticide. Nous sommes en Hongrie où, en 2015, a été érigée la première barrière de barbelés antimigrants à l’intérieur de l’Europe. Se posant des questions autant qu’il en pose aux autres, le cinéaste conserve volontairement des moments autoréflexifs ramenant le film à son propre dispositif. Alors que débarque la police, il leur assure ne pas être en train de filmer, et que les images déjà tournées ne seront pas montrées.

N’apprend-on jamais de l’histoire? Le narrateur regrette que l’homme ait la mémoire si courte. Quand les horreurs du passé semblent trop vite oubliées, ses vestiges se chargent de nous les rappeler. Sur le milliard et demi d’obus tirés pendant la Première Guerre mondiale, un tiers n’a pas explosé. Remontant petit à petit à la surface, sorte d’anachronismes mettant à l’arrêt des chantiers entiers, les munitions, toujours plus sophistiquées, gagnaient sans arrêt en puissance destructrice, comme l’explique un démineur belge. Le cerveau humain n’était pas qu’au service du bien.

S’il plane sur le film un vent certain de nostalgie, l’abattement n’est pas pour autant de mise. Au cours de ses pérégrinations, le récit revient sur l’engagement absolu de Simone Veil auprès de la cause européenne. Voyageant aux racines de la démocratie, le périple s’arrête à Athènes, sur les ruines de l’Agora antique. Sur une pierre, une inscription sépare clairement le commerce de la politique : pourquoi, et comment, les deux en sont-elles venues à se mélanger, semant chaos et pauvreté? Heureusement, l’Europe, ce sont aussi ses jeunes citoyens, artisans de demain. Mis en scène par une classe d’écoliers internationaux, le mythe du Rapt d’Europe se retrouve raconté par d’expressifs jeux d’ombres qui ne manquent pas d’humour. Réécrire l’histoire, c’est aussi un joli moyen de se la réapproprier.

3/5 ★

«The Song of Others» est présenté dans la Compétition Internationale Longs Métrages 2024.

Bande-annonce de «The Song of Others»

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