Critique3. Januar 2024

Critique de «Moi, Capitaine», voyage au bout des préjugés

Critique de «Moi, Capitaine», voyage au bout des préjugés
© 2024 Pathé Films AG

Odyssée de deux amis entre Dakar et l’Europe qui vaudra au jeune sénégalais Seydou Sarr un prix à la Mostra de Venise, «Moi, Capitaine» de Matteo Garrone est une œuvre magnifique. On décrypte !

(Une critique de Kilian Junker depuis le GIFF 2023)

Deux jeunes sénégalais, Seydou (Seydou Sarr) et Moussa (Moustapha Fall), mettent de côté leurs maigres économies au profit d’un rêve : réussir coûte que coûte à rejoindre l’Europe. Sans en informer leur famille, ils se lancent bille en tête dans cet interminable voyage, des rues bondées de Dakar jusqu’à l’infranchissable Méditerranée, en passant inévitablement par la menace des geôles libyennes. Une odyssée où leur amitié et leur humanité sera leur seul ciment face à la barbarie qui les attend…

Durant l’année écoulée, plus de 2'500 hommes, femmes et enfants sont morts en Méditerranée, des chiffres très probablement sous-estimés. Et de cette horreur qui se joue aux portes de notre continent ne nous parviennent que ces décomptes, irrésolument abstraits, et parfois une résurgence d’effroi lorsqu’un cadavre échoué parvient jusqu’aux unes des journaux, guère plus. L’atrocité reste hors-champ, hors de nos consciences également. Et c’est à l’intangibilité de ces nombres que Matteo Garrone (réalisateur de «Pinocchio», «Gomorra», «Reality» et tant d’autres) tente, selon son propre aveu, de donner un contre-champ avec «Moi, Capitaine» : la reconstitution de ce périple invisible alourdissant année après année le compteur de ces vies perdues. Un pari relevé haut la main par le cinéaste italien !

Critique de «Moi, Capitaine», voyage au bout des préjugés
«Moi, Capitaine» © 2024 Pathé Films AG

La réalisation sobre au profit d’un montage en ellipses met premièrement en avant l’incroyable performance d’acteur de Seydou Sarr et Moustapha Fall. Les deux jeunes débutants, débusqués grâce à des castings réalisés à Dakar, offrent un jeu d’une justesse impressionnante par ailleurs remarqué et récompensé à la Mostra de Venise.

S’ils portent tout le film, l’absence de contexte extérieur pourra parfois faire naître un manichéisme simplifiant probablement un peu trop certaines situations (certains des pourvoyeurs de mal au sein de «Moi, Capitaine» sont plus sûrement eux-mêmes contraints à leur barbarie que joyeux de l’exécuter…). Un maigre reproche de point de vue à apposer à une œuvre électrochoc, tenant la promesse de secouer son spectateur sans toutefois jamais verser dans le morbide ou le voyeurisme malsain. Un jeu d’équilibriste donnant tout son sel à ce long-métrage qui restera sans le moindre doute l’un des plus marquants de l’année.

4/5 ★

Au cinéma le 3 janvier.

Plus d'informations sur «Moi, Capitaine».

Bande-annonce de «Moi, Capitaine»

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