Les enfants du Platzspitz Suisse 2020 – 100min.
Critique du film
Pas sans ma mère, mais pas avec elle non plus
Pierre Monnard dépeint avec vigueur l'enfance d'une fille déchirée entre son besoin de stabilité et l'amour pour sa mère toxicomane.
À la fin des années 1980, la plus grosse plaque tournante de la drogue en Europe s’était installée non loin de la gare centrale de Zurich, dans un parc idyllique situé derrière le Musée national. La drogue y est vendue et consommée en public; et pour de nombreux toxicomanes de l’époque, le parc Platzspitz est devenu un foyer. Un endroit peu recommandable pour une gamine de 11 ans comme Mia, qui attend patiemment dans la voiture que sa mère revienne gonflée à bloc. „I wanna go home“ entendra-t-on du walkman de la jeune fille. D’abord à la recherche de sa mère sur la place, bientôt elle ira elle-même lui chercher sa came.
Puis, en 1992, le parc Platzspitz est fermé et 3 ans plus tard, la scène est dissoute. Les parents de Mia se séparent et elles partent s'installer dans un village de l'Oberland zurichois. La situation semble revenir à la normale. Sandrine maîtrise sa dépendance, prend des médicaments, et Mia compte les jours d'abstinence sur le réfrigérateur. Elle a sa propre chambre, change d’école, se fait de nouveaux amis, un gang de substitution, et se retrouve même avec un chien.
Oui mais voilà, dans ce village il y une maison que tout le monde évite. Une maison où des gens avec des problèmes similaires à ceux de Sandrine se retrouvent pour consommer. Nul besoin alors de faire tout le trajet jusqu’à Zurich. Alors que Sandrine n’aurais jamais dû obtenir la garde de sa fille, sur le frigo le compteur est remis à zéro. Et pour s’émanciper d’un quotidien devenu insupportable, Mia s’invente un monde imaginaire, une île lointaine avec sa mère.
Le livre autobiographique «Platzspitzbaby» de Michelle Halbheer, duquel s’inspire Les enfants du Platzspitz, a fait l'effet d'une bombe lors de sa publication en 2013. Pierre Monnard, réputé pour sa précision depuis la série «Wilder», dépeint cette histoire avec beaucoup de réalisme. Sarah Spale («Wilder») impressionne d’authenticité et d’intensité dans le rôle de cette mère toxicomane. Mais la véritable star du film est inévitablement la nouvelle venue Luna Mwezi.
Dans le rôle de cette ado qui se bat jusqu'à l'épuisement par amour pour sa mère, la jeune actrice est tout simplement bouleversante. Les enfants du Platzspitz est de ces films qui vous saisissent instantanément. Un film à vous faire chavirer. Un rite de passage à l’âge adulte servi sans fioriture, avec une sensibilité féroce, et une exagération agréablement fantastique qui place cet ami imaginaire aux côtés de la jeune héroïne... Tout simplement wow!
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Commentaires
Mamma Mia
1995, Zurich : le Platzspitz, la place forte de la drogue vient d’être dissoute. Parmi ses fréquentations, Sandrine, une toxicomane et sa fille Mia. Cette dernière douée pour la comédie musicale est emplie de rêves divers. Mais comment pouvoir les réaliser quand tu vis dans un foyer social avec une atmosphère repoussante.
Après une abstinence de 25 semaines, ce retour en salles ne pouvait démarrer autrement que par ce regard enfantin sur l’une des plus grandes hontes vécues durant mon adolescence : cette scène ouverte de la drogue. J’espérais un réquisitoire brutal, mais c’est un autre point qui marque davantage.
Le douloureux rappel de l’existence même du Platzspitz en introduction fait déjà froid dans le dos. Mais de voir Sandrine se saborder ainsi et Mia totalement accrochée à cette filiation maternelle m’a clairement révolté durant une grande partie du film: à chaque fois qu’une étincelle semblait pouvoir libérer notre prisonnière malgré elle de cette emprise, elle replongeait à nouveau.
Et sur ce point, Pierre Monnard me confronte à un vieux démon naïf d’adolescence : mon dégoût total à ce monde de la drogue m’ayant poussé à soutenir l’initiative jeunesse sans drogue, croyant naïvement que s’en passer serait une évidence. À tort.
La part imaginaire du film est magnifiquement illustrée par des compagnons imaginaires et ce désir d’évasion. Servi par deux formidables actrices et une photographie de haut vol, cet hymne à la fois à la tolérance et surtout à la liberté est à recommander.… Voir plus
“Enfance volée”
En 1995, les autorités décident de faire disparaître la scène ouverte zurichoise de la drogue. Des milliers de toxicomanes se retrouvent alors renvoyés dans des régions sans structure adaptée pour les accueillir. C’est loin de la grande ville que Mia, 11 ans, doit affronter la dépendance de sa mère.
Dans la terrible jungle du Platzspitz, une jeune fille s’avance parmi les âmes errantes. Protégée par son seul casque, elle quête celle qui a chu dans l’enfer des paradis artificiels. Lorsque sa cassette s’emmêle, c’est son refuge musical qui se brise, laissant les griffes de cette nuit se refermer sur elle.
Adapté d’une histoire vraie, le film se place à hauteur de l’enfant dévouée. Contrainte de grandir plus vite qu’elle ne le voudrait, Mia soutient, protège et supporte la cause première de son malheur, allant jusqu’à prier à genoux un Christ en croix de ne pas abandonner celle-ci. Face à sa pugnacité s’oppose la faiblesse de sa mère qui n’aura droit à aucune circonstance atténuante, contraignant sa fillette à mentir, voler, et acheter sa poudre explosive. Seul moment de tendresse entre les deux héroïnes convaincantes, l’apprentissage du roulage d’un joint. On s’agace et déplore l’irresponsabilité de ces adultes en souffrance qui dérobent l’enfance de leurs propres enfants, de même que la passivité de services sociaux dépassés.
Malgré les rais lumineux d’une bande de copains aussi esseulés et la présence d’un ami musicien imaginaire, tout paraît bien sombre ici. De quoi donner une autre image de la blanche neige helvétique.
7/10… Voir plus
Dernière modification il y a 4 ans
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