Interview

Grindhouse: Boulevard de la mort

Avec «Boulevard de la mort», Quentin Tarantino rend un superbe hommage aux séries B des années 70. Le film est d'une qualité tellement supérieure à ce qui se faisait à l'époque que l'hommage se transforme majestueusement en leçon de cinéma.

Grindhouse: Boulevard de la mort

Q:Qu'est-ce que signifie le terme «Grindhouse»?A:Il incarne, pour tous les Américains, ces cinémas qu'on trouvait dans les grandes villes comme Kansas City, Detroit ou Chicago. C'étaient d'anciens music-halls des années 20, complètement délabrés. On pouvait y voir des séries Z avec des titres sensationnels. D'une certaine manière, c'était un peu l'équivalent urbain du drive-in. Ce sont des endroits où se forgent les cultures cinématographiques et surtout, c'était de vraies bouées de secours quand j'étais jeune. Donc pour moi, les Grindhouse, les drive-ins ou les cinémas de quartier ont une valeur totalement nostalgique et fondatrice.

Q:Quelle valeur donnez-vous à la violence dans vos films: distraction ou contestation de l'ordre établi?A:Je n'y pense pas. J'aime le cinéma de genre et de sous-genres et la plupart des films de samouraï, de mafieux ou de tueurs s'organisent autour de choses très violentes. C'est juste un choix de cinéma. Mais prenez «Jackie Brown», c'était un film qui tournait exclusivement autour de ses personnages.

Q:«Boulevard de la mort» a été présenté seul à Cannes, sans être accompagné du «Planète Terreur» de Robert Rodriguez... N'est-ce pas un désaveu du concept même de «Grindhouse» qui est d'offrir un double programme?A:Non, car il faut bien comprendre que Robert et moi avons fait trois films différents: «Planète Terreur», «Boulevard de la mort» et la réunion des deux, «Grindhouse». Les films sont montés différemment et n'ont pas la même durée selon qu'ils sont en double programme ou pas. Nous avons essayé, dans tous les cas, de couper au maximum, de leur enlever tout superflu, pour qu'ils soient le plus radical possible dans leurs styles respectifs.

Q:Y a-t-il une quelconque forme de compétition entre vous et Robert Rodriguez? A:Avec n'importe quel autre réalisateur, ce serait le cas. Chacun essaierait de dépasser l'autre, mais entre nous ça ne marche pas comme ça. Nos films sont totalement complémentaires. Celui de Robert est plus nerveux et rythmé, tandis que le mien offre des scènes très dialoguées. Il n'y a pas de compétition, mais plutôt deux envies individuelles de s'éclater.

Q:On pourrait penser que «Grindhouse» est un hommage actualisé, mais c'est véritablement un film qui respecte scrupuleusement les codes et le style du cinéma de cette époque. N'avez-vous pas peur de déstabiliser votre public? A:Le truc, c'est qu'il n'y a rien à comprendre. Si vous commencez à intellectualiser notre démarche, c'est que le film est raté. Un jeune qui va voir «Grindhouse» n'a pas à connaître le cinéma de cette époque. Et s'il est curieux, il cherchera la source de notre inspiration. C'est ce qui s'était passé sur «El Mariachi» qui renvoyait aux westerns spaghetti ou «Kill Bill» qui était connecté à tout le cinéma des frères Shaw.

Q:«Grindhouse» est rempli de faux raccords, de rupture dans la narration... À quel point était-ce intentionnel?A:Vous voulez dire, à quel point avez-vous fait exprès ou êtes-vous juste deux mauvais réalisateurs? Vous ne saurez jamais (rires). De toute manière, à partir du moment où on sort le film comme ça, nous assumons nos responsabilités. Même si ce sont des erreurs, elles sont devenus volontaires depuis. Notre désir était vraiment de nous immerger dans la manière dont les films étaient réalisés à l'époque.

Q:Kurt Russell est parfait dans le rôle de Stuntman Mike. Etait-ce votre premier choix de casting?A:Non, à l'origine je pensais à quelqu'un d'autre, mais je n'ai pas réussi à l'obtenir. Ça peut être très bénéfique d'imaginer un acteur dans un rôle et de devoir envisager les choses sous un autre angle. Ça ouvre de nouvelles perspectives. Quand j'ai eu l'idée de Kurt, je me suis dit que c'était juste parfait. S'il voulait le rôle, il l'avait.

Q:Est-ce que vous aimeriez continuer à faire des films Grindhouse si le film s'avère un succès?A:Totalement! C'est un concept gigantesque. Dès qu'on a eu l'idée avec Robert, on s'est aperçu que ça pouvait devenir une plateforme pour un tas de projets qu'on avait, mais que nous ne pouvions pas vraiment faire aboutir. Là, on a enfin un label qui nous donne l'opportunité d'essayer des choses, de nous aventurer dans des styles désertés par Hollywood.

4 juin 2007

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