Les Amandiers France, Italie 2022 – 126min.
Critique du film
À nos passions de jeunesse abattues en plein vol
Valeria Bruni Tedeschi retrouve sa collaboratrice de toujours Noémie Lvovsky au scénario pour pasticher ses souvenirs de jeune adulte, lorsqu’elle était une ambitieuse et romantique étudiante d’art dramatique au Théâtre des Amandiers.
Promotion 1986-87, Stella (Nadia Tereszkiewicz), Etienne (Sofiane Bennacer), Adèle (Clara Bretheau) et leur troupe sont des jeunes avides d’amour et de jeu. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau (Louis Garrel) et Pierre Romans (Micha Lescot) au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Éperdus, ils croquent la vie à pleine dent et multiplient les relations houleuses, dévorantes ou sans lendemain mais aussi leurs premières grandes tragédies à une époque d’incertitude entre addictions et menace du VIH.
Reconnue pour ses films où elle réinterprète des événements de sa vie, Valeria Bruni Tedeschi choisit cette fois d’apparaître sous les traits de la jeune actrice Nadia Tereszkiewicz, époustouflante dans ce rôle de nantie qui idéalise le métier d’actrice et touchante par sa candeur et sa détermination à réussir. Une œuvre charmante également par son rappel aux années 80 très bien retranscrites par la bande-son, les décors mais trahie par sa photographie dont les grains donnent à l’ensemble un aspect peu organique, d’autant que le récit est une mosaïque de ressentis et événements cruciaux. Dès son ouverture meta-textuelle qui donne à voir leur talent, les jeunes tragédien.nes composent leurs personnages à la faveur de déclamations captivantes comme risibles devant un juré hilare, mais brisent par la même le quatrième mur en rappelant que tout n’est qu’illusion, même leurs souffrances à venir.
Les amandiers souffre finalement de sa nature autobiographique, qui force la narration à se décentrer du groupe après le premier acte, au profit de l’histoire d’amour inégale et condamnée d’avance entre Stella et Etienne. Les dizaines d’âmes qui gravitent autour d’eux en sont réduites à des brouillons, forcés pourtant de porter les thèmes les plus puissants de l’œuvre tels que la toxicomanie, le queer au théâtre, la précarité estudiantine et surtout les relations à risque qui deviennent synonymes de mort avec le VIH. L’aura des professeurs et mentors est volontairement entachée mais leur représentation en prédateurs névrosés nous prive de leur facette de créateurs passionnés.
Ainsi, Les amandiers décrit une course ivre de jouissance contre la vieillesse, l’ennui et la mort, ne laissant dans son sillage que des regrets et un boulevard de choix entre le 7e et le 6e art.
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Commentaires
“A l’ombre d’une jeune fille en fleurs”
Sur scène, Stella donne tout ce qu’elle a. Avec tant d’autres, elle rêve d’être choisie pour intégrer les Amandiers, école de théâtre renommée, sous l’égide du fameux Patrice Chéreau.
Pour impressionner la garde des recruteurs, on crie, on pleure. On s’asperge de ketchup, malmène partenaires et professeurs. On montre ses seins ou se dévoile sans culotte. Il n’y a pas de limites quand la fièvre artistique vous emporte.
« Faut-il être exhibitionniste pour être actrice ? » Valeria Bruni Tedeschi (se) pose la question, elle qui a le plus souvent mis en scène sa culpabilité dévorante de pauvre bourgeoise riche. Là encore, elle fait jouer sa mère et donne le rôle du vampire adoré à un ancien amour, Louis Garrel très à l’aise dans les habits du maître de cérémonie qui se fait désirer. Mais, pour une fois, la comédienne n’apparaît pas devant la caméra. Afin d’affronter l’angoisse du temps qui passe, une cure de jouvence est essentielle, tout comme son envie de transmettre. Retour ainsi dans les années 80 où la réalisatrice fut elle-même un fruit des Amandiers. Son reflet en ce miroir se nomme Nadia Tereszkiewicz. Lèvres pulpeuses, blondeur éclatante, grands yeux azur et talent indéniable transpercent l’écran. Autour de l’aspirante déferle une vague de jeunesse rafraîchissante qui rappelle davantage les recrues new-yorkaises de Fame que les académiciens de TF1. Ici la gloire se paie aussi en une seule monnaie, de la sueur.
Mais dans ce jardin des délices, certaines racines dégagent une toxicité. Poumons enfumés, cocaïne dans les narines, veines piquées, séduction forcée. On s’embrasse, on baise et enfante, alors que l’ombre de SIDA plane et tue. L’Eros devient pulsion de mort, transformant les souvenirs vivifiants en une romance tragique plus emphatique. Jouer brûle et rend fou, avertit le vieux majordome. Quant à la polémique actuelle impliquant l’acteur principal, elle empoisonne aussi le film. De l’arbre, l’amande douce est tombée.
(7/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
Le film raconte une période de la vie de Valeria Bruni Tedeschi à la fin des années 80 lorsqu’elle réussit le casting, avec 11 autres jeunes comédiens, pour entrer à l’école de théâtre Nanterre-Amandiers dirigée par Patrice Chéreau. Les acteurs sont bons, mais je n’ai pas été transportée… et Louis Garrel nous a posé un lapin à l’avant-première aux Scala! 😭… Voir plus
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