En roue libre France 2022 – 89min.

Critique du film

La thérapie du road movie

Critique du film: Laurine Chiarini

Tétanisée par des crises de panique, Louise se retrouve du jour au lendemain coincée dans sa voiture, dont elle est incapable de sortir. Une rencontre fortuite avec Paul, jeune homme paumé aux airs de malfrat, va littéralement changer le cours de son existence.

Synonyme de fuite ou clé de la liberté, cauchemar des claustrophobes ou cocon douillet, témoin privilégié de confidences intimes, la voiture de Louise (Marina Foïs), break Volvo jaune moutarde hérité de son père, n’est rien de tout cela. D’objet utilitaire lui permettant de se déplacer dans son quotidien déprimé d’infirmière et de mère divorcée au bord de la crise de nerfs, sa voiture se transforme en cage quand, un beau matin, elle ne parvient plus à en sortir. Rien de mécanique dans l’histoire : non, le problème de Louise, ce sont des crises d’angoisse paralysantes qui l’empêchent de sortir de son véhicule, faisant dès lors de ce dernier un habitat temporaire imposé.

Et c’est bien là que réside l’originalité première du scénario : la raison pour laquelle Louise se retrouve enfermée dans sa voiture n’est ni une contrainte externe, ni un choix personnel. Comme le dira David, psychiatre kidnappé dans le but de lui faire suivre une thérapie express, des gens qui n’arrivent plus à sortir de chez eux, cela existe : ne plus oser sortir de sa voiture, en revanche, est un cas de figure auquel il n’avait jamais été confronté. Durant la phase d’écriture, le réalisateur Didier Barcelo a découvert que son idée, finalement, n’était pas si loin de la réalité : une psychiatre lui a confirmé avoir été confrontée une fois à un tel cas, lorsque les angoisses d’une patiente l’avaient empêchée de sortir de sa voiture durant plusieurs heures.

Pour Louise, peu importe où ses roues la mèneront : en pleine crise, l’essentiel est de rester coûte que coûte dans l’habitacle rassurant de sa voiture. C’est lors d’un car-jacking que sa vie prendra, littéralement, une autre direction : alors que Paul (Benjamin Voisin) pensait voler un véhicule vide, c’est avec surprise qu’il découvre une femme quarantenaire cachée derrière la banquette arrière. C’est lui qui, voulant rendre justice à son frère mort dans un accident de la route, choisit la destination. Paumés et cabossés, les deux vont finir par s’entendre petit à petit, sorte de couple mal assorti et involontaire qui parviendra à s’épauler presque malgré eux. Navigant aisément entre l’habitacle et l’extérieur, la caméra, sans être claustrophobe, parvient à capturer le meilleur des deux mondes, entre le tableau de bord où dodeline la tête d’un chien offert par un éboueur impuissant et les paysages toujours plus dégagés menant au Cap Ferret, but que Paul s’est fixé.

Situations cocasses et rencontres improbables alternent avec des scènes aux contours plus réalistes : à chaque fois que la fiction cinématographique semble prendre le pas sur une réalité dans laquelle le spectateur aurait pu se projeter, un équilibre se rétablit. Entre deux couches de rocambolesque vient se glisser du vraisemblable, comme lorsque l’équipage, croisant pour la seconde fois la même auto-stoppeuse, décide de la faire monter à bord. Electrosensible, monopolisant l’espace par un flot d’opinions forgées aux grés de vidéos YouTube et d’obscurs articles, c’est par la grâce de son allergie aux ondes que les deux compères parviendront à s’en débarrasser, alors qu’elle se dispute avec un gendarme à qui elle avait intimé l’ordre d’éteindre son walkie-talkie.

Bien sûr, le road movie est un voyage initiatique autant qu’un cheminement personnel : en 3 jours, même enfermée dans sa voiture, Louise vivra bien plus intensément qu’en 10 ans d’existence ordinaire. Quant à Paul, il parviendra finalement à faire la paix avec lui-même. Si le film est convaincant, c’est aussi grâce à la performance de ses deux acteurs : n’en faisant ni trop, ni trop peu, ils apportent fraîcheur – et un peu d’espoir – dans un quotidien terne où rien ne semblait plus compter. La fin, saut dans le vide un peu inconscient, joyeux et extravagant, leur apportera une légèreté leur permettant de tourner la page. Alors que les objets flottent comme en apesanteur, les deux remontent vers la surface et prennent une goulée d’air, enfin libérés.

27.06.2022

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 1 an

« Sur ma route »

Prise de panique, un matin comme les autres, Louise n’est plus capable de sortir de sa Volvo. Comble de son malheur, elle se fait enlever par Paul, jeune homme en révolte et menaçant, qui exige de se rendre au Cap-Ferret.

Le covoiturage improbable entre deux cabossés de l’existence. Elle, infirmière divorcée, subit une solitude épuisante. Lui est bien décidé à réparer une injustice. La route pour eux deux sera parsemée d’embûches étonnantes : une auto-stoppeuse électrosensible, des gitans accueillants, un papy amateur de poules, et un psy gastro-entérologue. Le taxi jaune devient alors caisse de résonance de grands maux sociétaux et les kilomètres avalés, l’occasion de s’apprivoiser et d’évoluer. Puis, comme si Thelma s’agrippait au volant, le grand final sera une fuite en avant radicale.

Pas facile de tenir un huis-clos ambulant sur la longueur. Il faut sans cesse que l’action provoquée vienne jusqu’à l’habitacle. Pour sa première fiction, le réalisateur s’en sort avec les honneurs parvenant à trouver un équilibre entre l’absurde et le brutal. Dans le grave, il peut faire confiance à Marina Foïs et au balzacien Benjamin Voisin, vite complices, et compter sur les énergumènes de passage pour dérider ce voyage au bout de la vie.

(7/10)Voir plus

Dernière modification il y a 1 an


vincenzobino

il y a 1 an

Cocktail à l’avocat
Louise infirmière de nuit est subitement prise d’une crise de panique avant de débuter son service du soir, l’empêchant de sortir de sa voiture. Paul, lui, recherche l’avocat ayant accidentellement tué son frère pour le venger. Leur rencontre improbable était finalement inévitable.
Le voici cet apparent Road-movie tricolore, sorte de leçon de vie. Une vraie thérapie.
Autant on ne pourrait que rire de la double phobie de notre duo, quitter un véhicule ou se rendre dans un lieu médical, autant cette invraisemblance pure fait un bien fou si vous avez besoin de relâchement: par sa BO à l’ancienne excepté l’ultime chanson, par ce duo magique qui brille davantage que leurs protagonistes, mais surtout par les conséquences de ces phobies et leurs résolutions communes finales s’avérant une véritable bulle d’oxygène.
Cocktail tendre à recommander...
PS: je confirme Eric et dans mon cas, de me rendre au lieu final sans aller si loin. Une vraie bouffée de libertéVoir plus


Eric2017

il y a 1 an

Ce film a un scénario tordu mais très touchant et ça, grâce aux deux acteurs principaux Marina Foïs et Benjamin Voisin. Un joli road trip ponctué par la scène du psy absolument délirante. Deux acteurs magnifiques qui donnent l'envie même en plein été d'aller cinéma. (G-04.07.22)


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