Reminiscence Etats-Unis 2021 – 116min.

Critique du film

À la recherche des clés perdues

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

La cinéaste Lisa Joy, qui s’est fait connaître en passant par les écuries ô combien brillantes de la série HBO «Westworld», signe ici son premier long-métrage. Une fable de science-fiction aux accents néo-noirs au milieu d’un monde englouti par les eaux.

Nick Bannister (Hugh Jackman) incarne ce médium et détective établi à Miami. Grâce à son invention, il a la capacité de replonger ses patients dans le bain de leurs souvenirs. Aux côtés de son employé (Thandiwe Newton), la petite entreprise subsiste tant bien que mal et lorsqu’une certaine Mae (Rebecca Ferguson) fait intrusion dans leur établissement, la vie de Nick bascule. Une romance d’un temps et puis une disparition soudaine, Nick n’aura de cesse d’explorer les méandres de cette curieuse affaire. Une enquête qui tourne à l’obsession et le voilà bientôt la victime de sa propre machine alors qu’il tente de retrouver celle qu’il aime.

Pour son premier long-métrage, la cinéaste américaine Lisa Joy a vu les choses en grand. À la fois scénariste, réalisatrice et productrice, elle multiplie les casquettes et pioche çà et là sur les étagères de nos vidéo-clubs préférés pour donner à sa pellicule le charme de nos rêveries néo-noires les plus folles. Si Reminiscence nous parle des souvenirs au milieu d’une laborieuse enquête avec son héros d’un genre à la Rick Deckard, Miami devient surtout l’étonnant laboratoire d’une urbanité en friche au milieu des eaux. Cinéaste issue de la cosmogonie «Westworld», Lisa Joy mêle les genres à son tour. À mi-chemin entre le Bradbury Building et la Louisiane d’après Katrina, elle emprunte aux années 80 et à l’urgence climatique pour dessiner ses décors. Aussi, une (di)vision plus horizontale des dystopies urbaines, là où les classes populaires épongent les vagues derrière de grands barrages alors que les Rockfeller de son monde constatent le désastre les chaussettes sèches, archisèches.

Un décorum léché et une CGI frôlant la désuétude, on croirait voir Hugh Jackman évoluer dans un jeu vidéo. D’un genre anti-héros à la stature grecque en prise avec des malfrats grossièrement caractérisés, Hugh Jackman ronfle dans les draps bien repassés d’une romance réchauffée avec une Rebecca Ferguson croisée à Jessica Rabbit. Un brin esthétisant, Reminiscence offre néanmoins une métaphysique bienvenue sur la mémoire et la nostalgie, derniers territoires connus pour échapper à la guerre et à la montée des eaux, et les parallèles avec la chape de dépression qui s’est abattue depuis la Covid sont tout tracés. Mais en science-fiction, être au diapason de son époque ne serait-ce pas déjà être en retard? Une attention contemporaine et un scénario aux accents prémonitoire, dommage que l’ensemble gravite autour d’une intrigue amoureuse dispensable et déjà dépassée.

«Vous allez faire un voyage, un voyage dans votre mémoire. Il vous suffit de suivre ma voix» entendra-t-on chaque fois qu’un nouveau patient se branche aux électrodes du bain-marie de ses souvenirs, et Hugh Jackman n’en finit plus de s’écouter penser, et nous de l’entendre. La proéminence de la voix-off ponctue l’isolement de celui qui s’est perdu dans les arcanes de son esprit et la narration prend des airs d’accessoire un peu cheap. À l’instar d’un Tom Hanks dans A Hologram for the King, qui tentera en vain de vendre sa technologie, Lisa Joy et ses équipes fait la part belle à ses hologrammes (une technologie développée pour les besoins du film permettant de les filmer sous tous les angles) et paraît bien poussive. Mais elle n’en reste pas moins la cocréatrice de «Westworld» et voilà qui devrait suffire à convaincre l’auditoire. Un film sur la mémoire qui vous plonge inlassablement dans les galeries de vos souvenirs cinéphiles. Longtemps, je me suis couché de bonne heure…

26.08.2021

3

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 2 ans

“Total recall”

Nick Bannister tente de gagner sa vie en plongeant ceux qui font appel à ses services dans leurs souvenirs. De quoi leur permettre de retrouver un bonheur perdu ou de simples clés égarées. Quand Mae, une cliente qui a su le séduire, disparaît, l’ancien combattant se met à sa recherche.

Dans ce futur proche, le réchauffement climatique a transformé Miami en Venise. Les gratte-ciel ont les pieds dans l’eau et le bateau a remplacé l’auto. La nuit s’anime pour éviter la torpeur du jour. Les riches réquisitionnent les terres, faisant des miséreux des âmes flottantes. La colère des noyés gronde. Vision anticipatrice inquiétante qui permet néanmoins de belles images aquatiques comme ce théâtre immergé.

Quand le futur n’a plus rien à offrir, le passé devient un refuge dans lequel on s’engouffre pour ne plus en sortir. Présupposé digne d’intérêt, même si le scénario qui s’ensuit n’est pas aussi vertigineux qu’Inception ou Minority report. La réalisatrice multiplie les éléments clichés du film noir, comme le détective privé désabusé, la femme fatale et le vilain balafré. Voix over et flashbacks escortent romance impossible, trahisons et conspiration. Mais les rôles archétypiques se renversent. Dans ce cinéma, les hommes pleurent leurs amours perdues, quant aux belles entreprenantes, elles tiennent à la fois le manche, la bouteille et la crosse.

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


vincenzobino

il y a 2 ans

3.5: Wet world
Miami, à la suite d’un cataclysme ayant complètement inondé la Terre: Nick, détective privé utilise le principe de réminiscence pour résoudre ses enquêtes : ses « clients » sont plongés dans un bain et connectés à tout un mécanisme permettant de visualiser les souvenirs transmis par leur cerveau. Lorsque Mae s’y installe pour savoir comment elle était en possession d’un certain objet, l’enquêteur ne se doute pas que sa vie va être bouleversée.
Le voici donc ce retour de Lisa Joy, Mme Westworld, dans une apparente reconstitution subaquatique et post-apocalyptique de la vie après un cataclysme. Les premiers avis ne furent pas tendres, je ne les partage pas vraiment.
Les vingt premières minutes avec une étrange voix Off amplifiée de Nick et certaines étrangetés peuvent l’expliquer. Mais dès que Mae entre dans le récit, ces imperfections sont oubliées et pour quiconque ayant vu Westworld ou une performance « impossible » de Rebecca Ferguson, une curieuse empathie va prendre forme pour notre duo, avec certes ses zones ombreuses comme l’identité de l’héritage de cette rencontre, mais avec une assez touchante analyse finale du gâchis amplifiée par une très belle BO.
Se laisse donc voirVoir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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