CH.FILM

Citoyen Nobel Suisse 2020 – 90min.

Critique du film

L’impact d’un Prix Nobel

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Jacques Dubochet est devenu une figure respectée et adulée depuis son Nobel de chimie en 2017. Une consécration qui l’emmène vers une question personnelle et existentielle: comment gérer un tel prix et l’utiliser à bon escient.

Comment gérer un tel prix? Comment ne pas changer après une telle exposition médiatique? La gloire mondiale tape à votre porte et d’un seul coup, votre parole compte. Tout le monde vous écoute et vous respecte. Un prix prestigieux pour ses travaux dans le domaine de la cryomicroscopie électronique, une méthode d’imagerie qui simplifie et améliore la visualisation de biomolécules et qui permettra peut-être prochainement d’obtenir des images détaillées à l’échelle atomique des machineries moléculaires à l’œuvre dans le vivant. Pour faire simple, il a «inventé l’eau froide».

Stéphane Goël a suivi le biochimiste à la dyslexie avérée, à la bonne humeur contagieuse, à l'athéisme revendiqué. Intéressant que le personnage, que la figure politique et médiatique, tout autant que l’homme en lui-même. Dubochet, 76 ans, vit une vraie révolution dans sa vie, désormais star de la chimie et englué dans la gestion, à la longue, de cette célébrité soudaine. Sa présence est demandée, souhaitée, obligée. Le scientifique tente de rester humble, de rester à sa hauteur et se refuse de faire la morale à l’ONU, par exemple.

Ce cycle, cette période faste, le film le suit et le décrypte au travers d’événements, de rencontres, et même de coups de sang. Comme ce segment drôle et même navrant au Conseil communal de Morges, où Dubochet tente de réveiller les consciences des différents conseillers. L’un d’eux s’approche de lui et lui fait comprendre qu’il est inutile de monter les tours, avant de s’empresser de dire que c’est aux États-Unis, à la Chine et… à l’URSS de faire un effort. Le signe d’un vieillissement affligeant d’une politique locale au temps du rideau de fer.

Citoyen Nobel dessine les contours d’un homme en constant questionnement; athée, parlant de Dieu comme d’un mystère, ou son rapport radical avec la réalité, son observation de ce qu’il entoure. «La réalité elle s’en fout que je la regarde», dit-il en riant. Comprenez que la réalité est notre monde, que lui-même tente de comprendre grâce à «son tout petit cerveau», se définit-il. Un combat impossible, surtout en voyant l’immensité de notre monde et le foisonnement de l’univers vivant.

Le film évoque l’humilité, mais aussi une certaine forme d’égoïsme sous-jacente. Sa femme, ayant laissé sa carrière derrière elle pour suivre son mari partout, reste effacée, dans l’ombre de son époux. Dans le dernier acte, Dubochet parle d’une infinie complexité à gérer ce prix, de savoir comment en faire bon usage, et surtout de rappeler que ses enfants ont été cruels avec lui d’une certaine manière. Une sorte de victimisation, alors que sa femme reste mutique.

Le petit garçon inconfortable au milieu des autres, socialement emprunté, heureux avec sa famille et au milieu de Mère Nature, seul, a grandi et pris de la bouteille du haut de ses 76 ans. Un homme à l’intellect supérieur, à la bonne humeur certaine, mais perdu, en demeurant, face à l’inconnu que la célébrité lui confère. Lui qui aime, de son propre aveu, travailler dans l’inconnu, Dubochet perd un peu de son humilité au fil du «cycle Nobel».

En bref!

Portrait intéressant d’un homme. L’objet cinématographique en l’état reste intéressant par son sujet, par l’homme et l’impact d’un Nobel dans une vie. Hormis ça, le documentaire manque d’astuces techniques, parfois trop pauvre techniquement pour en faire une œuvre véritable.

27.02.2020

2.5

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Commentaires

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Dwarfy

il y a 4 ans

Film instructif, drôle et inspirant


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