Chanson douce France 2019 – 95min.

Critique du film

La troisième obsession

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Distinguée aux Césars et à Locarno en 2015 pour son premier et percutant thriller Fidelio, l'odyssée d'Alice, la réalisatrice Lucie Borleteau prend les rênes du Prix Goncourt 2016 de l’écrivaine Leïla Slimani pour le grand écran: Chanson Douce, ou le récit d’une nounou presque parfaite et de sa longue et grinçante descente aux enfers.

Myriam (Leïla Bekhti) et Paul (Antoine Reinartz) forment un couple de parents au bord de la crise de nerfs. L'avocate a mis sa carrière en pause pour se consacrer à ses enfants en bas âge; lui travaille dans l’industrie musicale, trop occupé. Dans son bel appartement parisien, Myriam déplore une vie de mère à l’unisson. «C’était ton choix!» se prendra-t-elle dans les dents, et alors que les conversations s’échauffent, l’heure de la nounou a sonné. Louise (Karin Viard) sera la candidate idéale, et dès son arrivée la famille retrouve un semblant d’harmonie. Mais plus les semaines passent, plus la présence de Louise est troublante; son rôle, ses intentions… les frontières se mêlent.

Casting de premier ordre dans la cape scénaristique de Maïwenn et Jérémie Elkaïm, Lucie Borleteau offre la vision d’un vertige, le récit d’une nounou meurtrière, un thriller grinçant, détestable, interminable, irritant, malsain, pour un cinéma enlevé, et ce malgré de sacrées crampes dans le récit. Il faudra peu de temps à la réalisatrice pour accrocher son audience, un coup de sabre dans la pellicule, un échange de regards, Karin Viard est en passe de décrocher son entretien, les deux femmes s’observent, une maîtrise des silences, une seconde d’une insoutenable accalmie, et déjà survolent en ouverture les walkyries d’un drame.

De ses intrusions matinales dans le foyer endormi, aux promenades au parc, jusqu’aux embardées au restaurant... Louise est une tique intraçable, une veuve noire, planquée dans le duvet familial, allant jusqu'à embrigader les bambins pour convaincre les parents de faire un nouvel enfant, sa troisième obsession. Loin de Miss Fine, Karin Viard, malsaine, vous broie les nerfs et porte presque à elle seule la réussite de Chanson Douce. Une réussite pourtant fébrile tant l'alchimie en carton-pâte du duo incarné par Leïla Bekhti et Paul Antoine Reinartz vous laissera indifférent. Un loupé façon Seberg, Yvan Attal et Kristen Stewart, des acteurs séparément au talent indéniable, pourtant leur romance est un flan. Même équation pour Chanson douce, et ce dès l'entame.

Un discours aussi sur la lutte des classes, certes, mais Alfonso Cuarón supplantait le genre et pour longtemps avec l’éblouissante Cleo dans Roma; et c’est peu dire que Chanson douce manquera d’envergure. Et pourtant, quelque part entre de nombreuses scènes insignifiantes et la maestria de Karin Viard, la berceuse de Lucie Borleteau se pose ailleurs, et réveille une psychose grinçante. Aussi la promesse réjouissante d’un cinéma français inspiré, organique, naturaliste, fétiche, qui emprunte à Jordan Peele, à Alfred Hitchcock évidemment, pour ses douches et son huis clos, à l’onirisme et à la perversion poétique des objets de David Lynch, avec la création fantasmagorique d’une horreur dérivée. Les poulpes rappelant une célèbre pluie de grenouilles chez Paul Thomas Anderson.

En bref!

Scénaristiquement bancal, Chanson douce n’en reste pas moins un thriller d’une belle inspiration visuelle et porté par une Karin Viard impressionnante.

11.12.2019

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“Une nounou d’enfer”

Myriam n’en peut plus. Les couches d’Adam et les heures au parc avec Mila l’étouffent. Elle voudrait reprendre son métier d’avocate. Paul, son mari, accepte. Ils cherchent et trouvent alors la candidate idéale pour s’occuper de leurs enfants. Louise entre dans leur quotidien.

On ne saura pas grand-chose de cette nounou d’enfer. Son existence misérable, bien plus approfondie dans le roman, demeure ici dissimulée. Cette femme mystérieuse s’immisce et s’impose dans l’univers de ce couple qui semble avoir abandonné sa progéniture entre ses griffes. Elle range, lave, cuisine afin de se rendre indispensable. Mère poule un peu fouineuse, elle se fait louve et tigresse, prête à tout pour protéger ses petits.

Au contraire du livre, prix Goncourt 2016, le film peine à se montrer captivant. La fin étant connue pour le lecteur, il faut s’accrocher à d’autres éléments afin de se laisser surprendre par l’angoisse. Or, on se lasse de ces scènes de garderie souvent redondantes. Dans le rôle principal, Karin Viard est trop connue pour faire oublier l’actrice derrière le personnage. Elle en devient même ridicule quand elle exige le pot pour se soulager. Si bien que la mélodie engageante de cette chanson douce finit par dissoner.

5/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


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