Alice et le maire Belgique, France 2019 – 105min.

Critique du film

Le progressisme a ses limites

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

La politique et la philosophie réunies sous le même bastion. Nicolas Pariser, après avoir présenté Alice et le maire à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes, continue son travail fictif en milieu politique.

Paul Théraneau (Fabrice Luchini) est le maire de Lyon. Il va mal, il est à court d’idée. 30 ans de vie politique pour n’en sentir qu’un vide béant au plus profond de lui. Pour y remédier, son cabinet fait appel à Alice Heimann (Anaïs Demoustier), une ancienne professeur et philosophe fraîchement débarquée d’Oxford. La jeunesse conjuguée à l’expérience, Orwell en figure de proue, Alice et Paul vont tenter de répondre à une réflexion qui fait son chemin: la pensée et la pratique politique sont-elles conciliables. Les certitudes de l’un et l’autre vont se retrouver ébranlées.

Nicolas Pariser s’était déjà essayé à la soif du pouvoir, à l’opacité trouble de la manipulation. Les arcanes du pouvoir, Pariser continue à étancher sa soif de politique, de diatribe sociétale. Le Grand Jeu (2014) partait déjà d’un duo, tout part d’un tandem fait de ressemblances, avec une propension à la prospection. Alice et le maire est fait de ce bois là, d’un flux de pensées et d’intentions. Le cynisme d’Orwell, à travers la prise de pouvoir, sous couvert de progrès. Le progressisme, ce terme si convoité, si apprécié, Nicolas Pariser le décortique à l’aide de son duo détonnant. Les politique cherchent à avancer leurs pions, alors que la population commence à adopter la position des pattes arrières. L’engagement politique, faire bouger les choses, alors que tout reste indéniablement figé.

Alice et le maire tient plus par la véracité de son propos et la précision de ses dialogues qu’à sa palette cinématographique. La plume de Pariser propose deux personnages attendrissants, surtout digne d’intérêt. Paul Théraneau, parfaitement incarné par un Fabrice Luchini éblouissant de sobriété, se pose comme une boîte à outils vide, qu’Alice va devoir réapprovisionner pour donner un coup de fouet à son nouveau chef. Demoustier excellente de retenue et d’intensité, est ce catalyseur d’idées. Elle-même sur le fil, en réflexion sur la promptitude d’une politique paralysée par les enjeux, découvre une face moins reluisante. Essorée par le rythme effréné, les sollicitations, Alice avance dans l’inconnu, tant professionnel que personnel. Besogneuse qu’elle est, sa faculté à prendre du recul, à insuffler une logique extérieure à la pyramide politique, capte un maire à la lisière de l’agonie. À travers les couloirs, les différentes pièces, les dîners, Alice et le maire fait écho à Rousseau et Les rêveries du promeneur solitaire, comme s’en accommode la jeune philosophe. Comme l’œuvre posthume de l’écrivain, quelque chose d’inachevé domine nos pensées.

En bref!

Et si la politique était une lente digression. Nicolas Pariser fait étalage d’une vraie maîtrise des dialogues, d’une réelle justesse en s’infiltrant dans les sphères politiques. Pauvre en mise en scène, loin de l’angle éclatant d’une série comme House of Cards, moins urgent dans le propos, Alice et le maire réussit un joli numéro politisé porté par un duo très convaincant.

30.09.2019

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 3 ans

“Au pays des idées”

Jeune normalienne, Alice vient d’être engagée à Lyon. Sa mission réfléchir et prendre du recul pour le compte du maire Paul Théraneau qui se dit plus capable de penser.

Pas vraiment drôle, mais loin d’être décourageant, ce film atypique distille un charme inattendu. De tous les plans, la césarisée Anaïs Demoustier brille et remporte la mise face à un Luchini agréablement sobre et discret. Sans suspens ni rebondissement artificiels, l’action passe uniquement par les dialogues. Mais les joutes oratoires entre l’homme d’expérience usé et la fraîche intellectuelle volent haut, cherchant via la philosophie à donner sens et profondeur à la chose politique. Surfant sur une nouvelle vague rhomérienne noyant toute vulgarité, cette Alice nous entraîne avec délice au pays des idées.

(7.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 ans


Phingari

il y a 4 ans

Fascinating portrait of urban society in today's world. Fabrice Luchini and Anaìs Demoustier are wonderful together. For a Mayor short of ideas this film is brimming over with them.
La Scala in Geneva shows the film with English subtitles -- accurate, concise and incisive they deserve a special mention for their outstanding quality.Voir plus


Eric2017

il y a 4 ans

Qui d'autre que Luchini pouvait jouer ce rôle ! Il est encore une fois parfait dans la peau du Maire de Lyon. D'ailleurs, à chaque film, je me dis qu'il pourrait lire l'annuaire téléphonique, il arriverait encore à capter toute mon attention. Dans le rôle de la philosophe Anaïs Demoustier dont le seul regret, est celui de ne pas la voir plus souvent au cinéma. C'est un film qui parle du monde politique est fort agréable à regarder. Très bien filmé, j'ai eu le sentiment par moment que j'étais dans un reportage. (G-08.10.19)Voir plus


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