What Will People Say Allemagne, Norvège, Suède 2017 – 106min.

Critique du film

L’impossible émancipation

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

A 16 ans, la jeune Nisha mène une double vie: celle d’une adolescente norvégienne à l’extérieur mais une fois chez elle, la jeune fille est confrontée aux traditions conservatrices de sa famille pakistanaise. Le jour où elle est surprise avec son petit ami dans sa chambre, elle sera kidnappée par son père et envoyée à Islamabad …

Alors que le film s’ouvre avec des airs de teen-movies gentillets, il faudra voir le père rouer de coups le petit ami et entendre les menaces de mort faites à sa fille pour comprendre que «What Will People Say» sera une expérience douloureuse. Ici les qu’en-dira-t-on sont au coeur de leur tradition musulmane et la jeune Nisha est littéralement écartelée entre deux cultures qui s'affrontent. C’est une dramaturgie contemporaine magistralement incarnée par Maria Mozhdah, et «What Will People Say» laissera l’impression d’avoir vécu un merveilleux moment de cinéma au milieu d’une histoire atroce.

Lorsqu’elle est prise en otage par son propre père (Adil Hussain) pour être envoyée chez sa tante à Islamabad, la sentence est simple, mariage ou abnégation totale. Il y a une tension permanente et la menace insoutenable de ses tortionnaires aux visages familiers. Lorsqu’il lui faudra brûler son passeport, sauter d’une falaise ou se dévêtir devant trois hyènes corrompues de la police pakistanaise, la beauté grinçante de la photographie est assourdissante, insupportable. Ici la réalisatrice Iram Haq, qui elle-même sera renvoyée au Pakistan par sa famille à l’âge de 14 ans, nous conte l’interminable cauchemar de cette adolescente avec une infinie justesse.

Nulle fioriture, l'histoire suffit et elle est servie avec les tripes. Le bouleversant destin de cette jeune femme nous parle de culpabilité, d’amour(s) et d’émancipations impossibles. Mais si la narration transcende, c’est de créer un sentiment d'empathie envers ces personnages: Nisha naturellement mais plus curieusement son père, sa mère (Ekavali Khanna) et sa famille à Islamabad. La réalisatrice manie très habilement son discours et mettra en exergue la dévotion parentale et les valeurs familiales qui drainent cet extrémisme. «What Will People Say» n’est pas un film assassin pour autant. L’heure n’est pas aux glaives, mais une histoire nous est contée, avec une hauteur et une élégance rare sur un tel sujet.

25.06.2018

5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 5 ans

“(Jamais) sans ma fille”

Nisha, 16 ans, Norvégienne d’origine pakistanaise, cherche à vivre comme les jeunes filles de son âge. Mais quand son père la découvre, une nuit, en compagnie d’un garçon, c’est tout le poids de la tradition qui s’abat sur elle.

D’un côté, l’adolescence et les rêves de liberté qu’elle inspire. On fume, danse et embrasse, grisé par les élans du cœur. De l’autre, une culture héritée dans laquelle le regard des autres compte plus que le bonheur des siens. Pudeur, coutumes ancestrales et mariage arrangé pour essuyer toute tache. Entre deux, une séparation, une déchirure.

Dans ce premier film très personnel, la réalisatrice exorcise ses propres douleurs passées. Sujette à l’émotion, sa caméra se trouble et se fragilise. Heureusement que son propos évite une trop grande partialité. Dans leurs travers, père et fille se rapprochent et échappent à un affrontement caricatural. Ainsi, la Norvège apparaît grise et glaciale, malgré la bienveillance de ses habitants. Quant au Pakistan, il gagne en couleurs et en soleil : ses rayons réchauffent aussi, quand ils ne brûlent pas comme l’enfer.

6/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


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