Killers of the Flower Moon Etats-Unis 2023 – 206min.

Critique du film

Retour au sommet du roi Scorsese

Critique du film: Kevin Pereira

Absent du festival de Cannes depuis en 1986, Martin Scorsese fait son retour à la Croisette pour y présenter hors compétition «Killers of the Flower Moon», œuvre très attendue où se réunissent pour la première fois ses deux acteurs fétiches : Leonardo DiCaprio et Robert de Niro.

Oklahoma, 1920. Une tribu d’autochtones, le peuple Osage, découvre que ses terres sont gorgées de pétrole. Si cette découverte lui rapporte une fortune colossale, celle-ci est accompagnée par son lot d’envieux. William Hale (Robert de Niro) est l’un d’eux, et son plan pour dépouiller la tribu est tout trouvé : manipuler son neveu Ernest Bunkhart (Leonardo DiCaprio) et le marier à une locale, Mollie Kyle (Lily Gladstone).

Le récit de «Killers of the Flower Moon», Martin Scorsese l’a au fond beaucoup filmé : il s’agit d’une variation sur le «Rise and Fall» (ascension et chute) dont certains de ses films sont emblématiques : «Les Affranchis», «Casino». Mais si la mécanique narrative est bien connue, elle subit ici d’importantes distorsions : la chute n’y est plus un moment de l’élévation, mais l’élévation même. C’est-à-dire que, contrairement à ses films précédents, Martin Scorsese refuse de représenter le point culminant de l’ascension, cet instant avant l’effondrement où ses personnages se complaisent de façon régressive dans l’oisiveté.

Sur cet aspect, «Killers of the Flower Moon» apparaît assurément comme l’œuvre la plus pessimiste du cinéaste. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la manière dont il représente la famille. Souvent élevée en espace de rédemption ou de réconciliation, la cellule familiale est ici filmée à l’exacte inverse : lieu de fausse familiarité, mais de vraie manipulation. La valeur cardinale a décidément perdu de sa splendeur.

La première conversation entre William Hale et son neveu atteste de ce regard déçu. Alors qu'Ernest Bunkhart retrouve son oncle après de longues années d’absence, ce dernier s’autorise une plaisanterie qui traduit sa mesquinerie reptilienne : « tu peux m’appeler mon oncle ou tu peux m’appeler Roi. » À ce titre, il convient de souligner le retour en forme de Robert de Niro qui trouve ici son meilleur rôle depuis très longtemps.

Reste les autres membres de cette distribution, dont les performances sont inégales : d’un côté, Lily Gladstone impressionne, mais, de l’autre, Leonardo DiCaprio déçoit par une interprétation au fond assez monolithique. Cependant, cette petite réserve ne doit pas nous faire oublier l’essentiel : «Killers of the Flower Moon» est une immense œuvre testamentaire qui jouira incontestablement d’une place privilégiée dans la filmographie du maître.

(Cannes 2023)



03.10.2023

5

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

CineFiliK

il y a 5 mois

“There will be blood”

En 1918, Ernest Burkhart revient de la Grande Guerre pour travailler en Oklahoma dans le ranch de son oncle William Hale, parmi les Amérindiens que des meurtres déciment petit à petit.

Si cette histoire n’était pas vraie, il aurait été difficile de l’inventer. Au début du XXe siècle, les Osages ont été chassés sans vergogne de leurs terres ancestrales et parqués dans un désert qui recelait des ressources pétrolières inimaginables. Devenus immensément riches, ils attirèrent les rapaces les plus vils prêts à user de leur pouvoir de séduction et d’armes à feu pour s’accaparer leur fortune et venger la race blanche.

Passionnante, cette revanche sociale n’est pourtant pas au cœur du film, qui préfère faire de la danse de la pluie de mazout une danse avec les loups. Quelle ironie néanmoins d’assister à ce renversement extraordinaire autorisant les Indiens parés de fourrures et bijoux à avoir à leur service des visages pâles quémandeurs. Sans négliger cette disposition argentée donnée aux femmes héritières, cibles d’époux potentiels à la peau claire. Manipulé de bout en bout par le roi Hale, Ernest va succomber aux charmes de la belle Molly, lucide, mais amoureuse. Quelques grammes de tendresse dans un monde de brutes pour des noces funèbres sillonnant ce western fleuve ou rivière sans retour.

Sous l’œil avisé de Martin Scorsese, De Niro et DiCaprio rouvrent leurs blessures secrètes. Entre un parrain mafieux d’un cynisme monstrueux et un perdant grimaçant, la confrontation fait des étincelles et se termine en véritable fessée. Quant au sort réservé aux deux bandits et à leurs victimes, c’est le maître de cérémonie en personne qui l’énoncera à la radio, les yeux embués. Dans un travail de mémoire à la conscience tourmentée, il rappelle que l’or noir et le sang rouge ont aussi construit l’Amérique.

(7.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 5 mois


TOSCANE

il y a 5 mois

Un grand film, une fantastique épopée et une actrice extraordinaire, Mollie interprétée par Lily Gladstone … Du grand cinéma, de la même veine que SILENCE (2016) que je ne peux pas oublier ...
Les commentaires ici sont très élogieux, je les partage totalement.


geradupo

il y a 6 mois

Extraordinaire reconstitution historique, on ressent toute la maestria de Scorsese. Di Caprio est génial en benêt fini sous la coupe de son oncle, De Niro excellent en salaud cupide et Lily Gladstone est très émouvante, toute en retenue et sagesse. La bande-annonce ne laisse pas présager de ce qui va se passer et la surprise reste entière. On ne voit effectivement pas les 3h30 passer!Voir plus


Autres critiques de films

Civil War

Kung Fu Panda 4

Back to Black

Godzilla x Kong: Le Nouvel Empire