Peter von Kant France 2022 – 86min.

Critique du film

Amir, amour

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

En ouverture du festival berlinois, le cinéaste François Ozon adapte librement l’œuvre de Rainer Werner Fassbinder, et Denis Ménochet s’y révèle magistrale.

C’est une histoire singulière écrite par Rainer Werner Fassbinder en 1972. «Les Larmes amères de Petra von Kant», une pièce puis un film dans lequel le cinéaste adapte son propre théâtre. Un film devenu culte, repris cette année en ouverture du festival de Berlin par François Ozon. Petra devient Peter, et Denis Ménochet incarne ce cinéaste allemand à l’orée d’une histoire d’amour cyclopéenne. Lui qui s’éprend de ce jeune Amir, 23 ans. C’est sa muse, Isabelle Adjani, figure de l’un de ses premiers films, qui lui présente. Il lui promet d’être une star, et de conquérir le monde. «Amir, amour» lui chuchote-t-il. La formule chante, c’est vrai, et Peter d’y perdre la tête. Une adaptation qui vous cueille, servie sur une pellicule contemporaine du drame qui nous est conté. Bestial, sensible et monstrueusement talentueux, Denis Ménochet nous dévoile certainement l’une de ses plus belles partitions.

L’histoire d’un homme qui en aimait un autre, dans le huis-clos de cet appartement de Cologne, car dehors rien ne serait permis. Et ce jeune Karl, son homme à tout faire, témoin de tout et qui jamais ne dit mot. Dans ce théâtre bourgeois renfermé, difficile de distinguer l’homme du cinéaste, l’amant de l’acteur. François Ozon filme les corps et les valses du cœur avec une grâce étonnante. À 78 ans, Hanna Schygulla, figure du film original de Fassbinder, nous offre une apparition angélique dans le rôle de la mère du cinéaste. Un travail fabuleux sur la lumière et les couleurs accompagne la descente de Peter dans les affres du désespoir. De ses amours christiques au Gin dont il s’abreuve comme on boit à la fontaine de Jouvence ; elles sont nombreuses les larmes amères de Peter, à couler sur son visage, comme mille trainées d’amour.

(Berlinale 2022)

04.07.2022

4

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Commentaires

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Eric2017

il y a 1 an

Ce huis clos dévoile les amours d'un metteur en scène et la déchéance que lui amène les ruptures successives. Le monde du cinéma est directement touché avec son côté surfait, ou le jeu continue dans la vie privée. Denis Menochet jouant le metteur en scène fait une interprétation incroyable. Quel plaisir de retrouver Adjani qui est sublime de beauté. Sa seule présence à l'écran donne un plus ! En fait les 6 personnages sont vraiment tous excellents. (G-15.08.22)Voir plus


CineFiliK

il y a 1 an

“Cet obscur objet du désir”

Cinéaste à succès, Peter von Kant tombe instantanément amoureux du jeune Amir que Sidonie, sa meilleure amie, lui présente. Il en perdra son âme, sa raison.

Si la référence à Fassbinder et l’amertume de Petra aujourd’hui masculine ne sont pas connues, c’est tout un contexte explicatif qui est perdu. François ose une adaptation hommage et plus personnelle qu’il n’y paraît. On se raccroche alors à sa mise en scène virtuose qui transcende la théâtralité de l’ensemble. Certes, il ouvre et referme le rideau rouge, mais son sens du cadrage, une stylisation extrême et un montage dynamique ne figent jamais les personnages dans un espace clos. En un plan très construit se positionne le quadrille infernal qui compose la pièce. Au centre, Peter, ours hystérique et bien léché, au cœur tout mou. Dans le rôle, Denis Ménochet, permanenté, danse et pleure comme jamais. Ses larmes sont des gouttes d’eau acides sur pierres brûlantes. Il bâtit une chapelle ardente en l’honneur de celui qu’il désire transpercer de ses flèches, l’éphèbe Amir, Sébastien plus subversif que saint. Si l’homme a besoin de l’autre, il n’a jamais appris à être deux. Témoin muet de l’effondrement qui se joue, Karl, le servant masochiste, présence caustique et bouleversante. Au-dessus de ce manège à trois, Sidonie, l’entremetteuse sardonique, star, mais si « humaine ». La belle Adjani, toute pimpante, s’amuse avec son image. Et de ses lèvres rouges et pulpeuses, fredonne ce terrible refrain : « Jeder tötet was er liebt », tout le monde tue ce qu’il aime.

(7/10)Voir plus

Dernière modification il y a 1 an


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