Mediterranean Fever Chypre, France, Allemagne, Palestine 2022 – 108min.

Critique du film

Conflits socio-politiques et autres maladies incurables

Critique du film: Colin Schwab

Sacré meilleur scénario de la sélection cannoise «Un Certain Regard», le dernier film de Maha Haj réjouit par son traitement d’un contexte bien trop peu représenté au cinéma – le conflit Israélo-Palestinien.

Waleed (Amer Hlehel), homme au foyer palestinien d’une quarantaine d’années, est dépressif depuis maintenant deux ans, atteint et détruit par le conflit Israélo-Palestinien. Ayant quitté son emploi de guichetier pour s’essayer à celui d’écrivain, il n’a malheureusement aucune inspiration et stagne à longueur de journée dans son appartement. Cette situation changera lorsque Jalal (Ashraf Farah) et sa famille emménageront dans l’appartement attenant au sien. Se rendant compte qu’il peut tirer profit du lien que son nouveau voisin entretient avec la mafia, Waleed sortira enfin de son sombre quotidien : pour les bonnes raisons ?

Réalisatrice, mais également scénariste de ce long-métrage, Maha Haj fait le pari de placer un protagoniste auquel il est très difficile de s’identifier au centre de son récit. Waleed a la froideur et l’agressivité d’un véritable misanthrope. Refusant la médication et n’appliquant pas les conseils que sa psychologue lui donne, il n’est pas ouvert à l’idée de changer. La mise en scène glaciale du premier acte, caractérisée principalement par ses plans fixes et ses couleurs ternes, se marrie alors très bien aux états d’âme du protagoniste.

Si côtoyer ce personnage nous est supportable, c’est que la promesse d’un changement se profile. L’arrivée de son nouveau voisin, individu ambivalent et intriguant – un peu mafieux, un peu maçon, un peu homme au foyer – poussera Waleed à sortir de son inertie, réalisant que s’inspirer du quotidien de Jalal pourrait l’aider à remplir ses pages blanches. Un fait appuyé efficacement par la réalisation, qui s’osera désormais à des plans aux focales plus courtes et imprimant bien plus de mouvement.

Spectatrices et spectateurs pensent alors être bientôt récompensé·e·s par l’un des plaisirs narratifs les plus satisfaisants : la possibilité d’observer le changement rapide d’un personnage du bien vers le mal, du nul vers le génial, de la tristesse vers le bonheur.

Mais la cinéaste nous fait miroiter. Car évolution vers le positif il n’y aura pas. La nouvelle amitié que l’on pensait voir prendre vie s’avèrera n’être pour Waleed qu’un outil, un moyen d’accélérer son autodestruction. Rappelé maintes fois au fait qu’il est – ou qu’il était – bon et imaginatif, le protagoniste finira par se pourrir et pourrir ses proches, n’utilisant sa créativité qu’à de funèbres desseins.

Rappelons alors que ce qui constitue la source du mal-être du protagoniste, c’est le conflit Israélo-Palestinien. Et la cinéaste sait rendre ce dernier omniprésent, le faire planer tout autour de Waleed, sans qu’il soit ce sur quoi le récit se focalise : on en parle systématiquement à la télévision, il s’avèrera être la cause de la maladie chronique du fils de Waleed, etc.

Le film explore alors l’état de tristesse apathique qu’un tel conflit peut provoquer sur les individus. Mais surtout, il nous renseigne de la nécessité cruciale d’utiliser cet état comme un moteur vers le changement. Car Waleed, focalisé sur la ruine, la perte, la mort, aigri, en colère, ne pense même pas la possibilité de reconstruire. Il n’utilise pas sa rage de manière créative, comme vecteur révolutionnaire. Quand Jalal lui demande ce pourquoi il n'écrit pas sur l’occupation, la Palestine, il ne saura alors qu’exprimer le point auquel il trouverait futile de le faire. Alors les plans regagnent en inertie et en froideur.

Ce vers quoi pointe le film, c’est la nécessité de modeler les démons du monde socio-politique pour en faire des socles propres à la création, et surtout pas à une plus ample destruction des individus.

Sous ce discours fort, situé dans un contexte que trop peu représenté au cinéma, se cachent malheureusement quelques hésitations. Car le long-métrage, au ton majoritairement dramatique, s’essaye parfois à des touches d’humour noir. Mais, éparses et inégalement distribuées, elles donnent au récit le goût malvenu de l’irréel. Alors, lorsque le film se termine sur l’une de ses maladroites occurrences, tout son impact discursif en prend un coup.

Mais ces tentatives dissonantes peuvent également être vues comme des manifestations d’une des plus grandes valeurs de ce métrage : Mediterranean Fever est une œuvre qui – même si parfois elle se rate – essaye, bouge, pense et nous fait penser.

02.02.2023

3.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 1 an

“Mon voisin le tueur”

Homme au foyer désespéré et écrivain à la plume asséchée, Waleed déprime à Haïfa. Un soir, tard, Jalal, son nouveau voisin, toque à la porte.

Le corps d’une femme est étendu sur le sol, la tête dans une mare de sang. Les secouristes autour s’affairent en vain, sous le regard médusé de deux individus vêtus de noir. Waleed est l’un deux. Il déclare : « C’est de ma faute ». Si cette introduction n’est en réalité qu’un rêve, elle illustre les pensées macabres du personnage qui peine à trouver du sens en son quotidien. Face à lui, Jalal représente un contraire intrigant. Cet homme contrasté, accueillant mais possiblement dangereux, pourrait être la solution radicale au mal qui ronge le romancier.

Hélas, la dépression de Waleed imprègne le film qui peine à s’élever et trouver un rythme, malgré le charisme plus dynamisant du voisin. La comédie noire attendue n’amuse pas et s’enlise dans un discours de plus en plus grave. Par son scénario récompensé à Cannes, mais au final moins étonnant que prévu, la réalisatrice évoque la difficulté de la communauté arabe palestinienne à vivre en Israël. Ainsi, la fièvre méditerranéenne du titre se traduit notamment par les maux de ventre récurrents d’un enfant ne pouvant plus supporter le cours orienté de géographie qu’on lui impose. Soit le reflet de tout un peuple en souffrance.

(5.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 1 an


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