La brigade France 2021 – 105min.

Critique du film

Cuisine Sociale

Critique du film: Colin Schwab

Avec La Brigade, Louis-Julien Petit fait le pari risqué de mélanger la comédie au film social. Si la sauce prend dans un premier temps, la deuxième partie du film tombe – tant formellement que narrativement – dans un discours convenu et idéaliste.

Cathy Marie (Audrey Lamy) est cuisinière dans un restaurant étoilé. Un soir, alors qu’une dispute avec sa cheffe éclate, la forte tête qu’est Cathy fait le choix de démissionner. Elle cherchera alors à trouver un nouveau travail le plus rapidement possible, afin de pouvoir continuer à mettre de l’argent de côté pour réaliser son rêve : ouvrir son propre restaurant. Or, la seule et unique opportunité qu’on lui offrira est un poste dans un foyer pour migrants mineurs. D’abord en décalage total avec son nouvel environnement, La Brigade raconte la manière par laquelle Cathy viendra à s’adapter à ce lieu, tout en insufflant la passion de la cuisine aux jeunes migrants de l’institution.

S’il y a bien une chose que l’on ne peut enlever au film de Louis-Julien Petit, c’est sa très bonne première partie, capable de traiter de réels problèmes sociaux tout en restant sur le ton de la comédie. L’un des décalages purement sociaux que met en scène le film se cristallise dans l’appréhension très différente que Cathy et les jeunes de l’institution ont de la cuisine. Cette dernière – habituée à la culture et aux coutumes bourgeoises – considère la cuisine comme un acte artistique, esthétique, duquel elle oublie presque l’intérêt premier : manger. Pour les migrants, individus en situation précaire, cette discipline représente quelque chose de bien plus simple, un moyen de se nourrir et donc de ne pas mourir. Dans ces manières opposées de penser un même sujet se lit, en filigrane, un propos du film sur la manière dont notre classe sociale conditionne notre rapport au monde.

Plus encore que de rendre compte de cette rupture entre couches sociales par le récit, Petit trouve le moyen d’y donner forme par la mise en scène : les dialogues seront alors filmés en s’émancipant de la règle des 180 degrés – norme instituée permettant aux dialogues d’être facilement lisibles – rendant alors ces interactions plus complexes, difficiles à comprendre. Cette communication délicate entre classes, et qui caractérise les premiers temps du film, est donc finement retranscrite par la forme.

Des scènes dépourvues de musique extradiégétique, relativement longues et usant d’une jolie diversité d’outils cinématographiques : ce n’est pas forcément ce à quoi l’on s’attend en allant voir une comédie française, mais le long-métrage de Petit sait, dans un premier temps, nous les donner. Ce mélange entre deux types de normes qui se combinent rarement – celles de la comédie et celles du « film d’auteur » – est bienvenu et rafraîchissant. Malheureusement, il ne sait durer qu’un instant. En effet, dès que les tensions entre Cathy et les jeunes du foyer s’estompent, le film entame une longue plongée dans les eaux troubles d’un discours idéaliste et d’une forme de plus en plus normée et programmatique.

La musique dramatique ou réjouissante pour appuyer l’émotion déjà à l’écran, les séquences de montage expéditives suivant la transformation ultra-rapide du foyer en un véritable restaurant et autres flashbacks rythmeront alors le film. Ces traits esthétiques semblent avoir été choisis afin de finir le récit sur une note plus légère, facile à appréhender, positive. Si cette volonté d’insuffler de l’espoir face à de telles thématiques est louable – le film social n’ayant pas forcément à être pessimiste et désespéré pour être juste – un problème demeure.

Ce souci, c’est que l’espoir que l’on nous donne prend vie dans un monde fantasmé, hors-sol : un univers où, et c’est là l’exemple le plus marquant, s’approprier des instances telles que les grandes chaînes de télévision pour en faire des outils de résistance est un jeu d’enfant. Lors des dernières séquences du film, prenant donc place au sein d’un jeu télévisé parodiant « Top Chef », le sentiment de réel qu’avait pu nous procurer le début du récit est entièrement annihilé. En faisant de cette émission un lieu permettant l’émancipation des migrants – et non un espace de réaffirmation du pouvoir des dominants – le métrage quitte le domaine du vraisemblable pour se transformer en comédie générique. L’idéalisme par lequel La Brigade se termine, si incohérent vis-à-vis de la pertinente première partie de son discours, déçoit plus qu’il ne donne espoir.

22.04.2022

2.5

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Commentaires

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Eric2017

il y a 1 an

Film sans surprise mais ça fait du bien. Mais voilà il manque un peu de crédibilité dans ces jeunes plein de bonne volonté, courageux, poli, sérieux désireux de s'en sortir à la force du poignet. N'empêche que j'ai passé un excellent moment. (G-24.04.22)


CineFiliK

il y a 1 an

“Plat du jour”

Pour avoir passé en force ses idées créatives, Cathy Marie se fait remettre à l’ordre par sa cheffe, vedette d’une émission culinaire à succès. Elle préfère quitter le restaurant et n’a d’autre choix que de jouer les cantinières dans un foyer pour migrants.

En 2018, le même réalisateur séduisait en posant sa caméra sur des invisibles cabossées par la vie qui, entourées de bonnes fées, reprenaient leur envol dans un centre d’hébergement. Son programme citoyen s’intéresse cette fois aux migrants mineurs non accompagnés. Malheureusement, le menu du jour proposé manque de saveur. Malgré Audrey Lamy aux fourneaux, cette comédie sociale demeure bien plate. L’héroïne gouailleuse qui d’une situation difficile en ressort avec les honneurs a tout du réchauffé. Les jeunes réfugiés jouant leur propre rôle donnent quelques couleurs à l’assiette, mais leur portrait se contente d’une entrée en matière. Seuls les tests de maturité osseuse déterminant leur âge exact apportent un élément inattendu à la connaissance de leur quotidien. Le film aurait gagné en intérêt s’il avait pris le temps de mieux cerner leurs histoires et espoirs, sans pour autant tomber dans le sucre. A l’opposé, il préfère s’égarer dans les coulisses pailletées d’un ersatz de « Top Chef » nous laissant un arrière-goût d’artifice et d’inachevé.

(5.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 1 an


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