CH.FILM

Cascadeuses Suisse 2022 – 84min.

Critique du film

Celles qui sont mortes cent fois pour la caméra

Critique du film: Eleo Billet

Premier long-métrage documentaire d’Elena Avdija, sociologue de formation, Cascadeuses frappe fort en mettant en lumière à la fois une profession dont les entraînements comme les risques sont méconnus, et un pan de l’industrie du cinéma où les discriminations persistent, en particulier envers les femmes noires, vieilles, mères et/ou victimes de violences.

Virginie Arnaud, forte d’une carrière de plus de 250 films et séries entre la France et les États-Unis, n’est pour autant pas reconnue dans la rue comme le serait une actrice. Et pour cause : elle est cascadeuse, une femme de l’ombre qui encaisse les coups, en donne parfois, jamais à l’abri d’un accident pour n’être présente à l’écran que durant quelques secondes. Également coordinatrice de cascade, elle aspire à plus de reconnaissance, tout comme Petra Sprecher, une suissesse qui se rêve désormais actrice à Los Angeles, où elle réside depuis ses débuts à Hollywood dans des blockbusters d’action. Pour sa part, Estelle Piget reste en France et termine sa formation de cascadeuse, métier découvert en faisant du parkour.

Trois femmes, trois destins et autant de brutalité qui marque, dès l’ouverture du film, lorsqu’un homme injurie puis brutalise une femme sur fond de musique western, et ce sentiment de malaise qui persiste même après la réalisation qu’il ne s’agit que de la répétition d’une cascade. En ne filmant que des scènes de vie de ses sujets, et non des témoignages face caméra, Elena Avdija saisit sur le vif les préoccupations politiques et matérielles de ces professionnelles : manque d’opportunité de carrière et de reconversion, inégalités découlant de leurs identités et de «ce qu’elles sont prêtes à faire» ou encore participation bon gré mal gré à la construction d’un imaginaire médiatique où les femmes sont des êtres passifs, réceptacles de toutes les violences.

Toutefois, la réalisatrice ne s’appesantit pas tant sur les entraînements douloureux que sur le partage et les rencontres entre cascadeuses. Une mère inspire sa fille, deux générations se lient autour d’expériences communes avec simplicité, entre dialogues d’exposition et dévoilement de leur volonté incoercible. Certains thèmes comme l’âgisme auraient mérité plus d’approfondissement, de même qu’un fil conducteur manque au documentaire, mais Cascadeuses réussit son exploration et nous offre une base de réflexion ponctuée d’adrénaline. Son prix, l’Œil d’or, remis à Zurich est donc amplement mérité.

24.11.2022

3.5

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